10 juin 2012

21,19 euros. Je tendais un billet de 50. « Vous auriez 1 euro 19? « me demanda la caissière.  Je regardais et sortais les minuscules pièces du fond de mon sac. 18 centimes d’euros. Je les tendis, heureuse de m’en débarrasser…Mais pas question que Carrefour se prive d’un centime d’euro et la caissière me précisa bien que,  sinon, c’est  elle qui en serait de sa poche. « Vous comprenez, au fur et à mesure ça fait une somme » argumenta -t’elle, apparemment bien « contaminée ». Il faut dire que travailler dans la grande distribution tient de la religion. D’un pacte avec le diable où tout est calibré, mesuré. L’ordinateur qui vérifie la couleur des légumes, les pains qui doivent être tous disponibles jusqu’à la fermeture pour être mieux jetés comme ces yaourts périmés sans aucune raison sanitaire, objet même de la vindicte de  Jacques Audiard dans De Rouille et d’Os. « La nourriture pour les yeux « comme le disent tous ces agriculteurs qui jettent la moitié de leur production sous les diktats de la grande distribution, avant même qu’elle ne se retrouve, négociée quasi à la perte,  dans leurs rayons. Le concombre tordu, la tomate tachetée- poubelle! avec des clôtures installées autour pour que surtout personne ne puisse s’y servir sous peine de condamnation, leur contenu appartenant encore au magasin! Car, plus l’on jette, plus l’on consomme, donc vive le business. Comme avec ces sacs que l’on est désormais obligés d’acheter avec cette obligation sinon de venir avec le sien comme on promène son chien. C’était pour protéger l’environnement nous ont-ils dit, tout en gâchant en même temps, entre autre,  deux fois plus de papier pour nous offrir des coupons cadeaux,  promesses mirobolantes de faire des économie à raison de 20 centimes sur des compotes pour bébé…Quant ce n’était pas la carte de fidélité qui m’offrirais un set en plastique pour pique niquer au bout de trente passages. « Vous avez la carte du magasin?« . Non,  m’entends-je répondre invariablement et  rageusement en espèrant que la caissière se souvienne de moi la prochaine fois pour ne pas me reposer cette question qui me semblait être une injure à mon intelligence. Car,  si je prenais le temps et pensais que cela put l’intéresser, ainsi que ceux qui font la queue derrière moi, je lui  dirait combien je ne veux pas être un membre d’un  » club » où la carte est aussi moche et dont les intentions sont aussi viles, m’obligeant à fortiori à la garder sur moi comme un talisman. Rien dans ce supermarché qui ne me plaise en effet dans l’esprit comme dans le fonctionnement mais voilà, ai-je le choix? Vais-je me mettre à faire mes pâtes moi même et aller au marché du coin où avec cent euros, on ressort avec trois beef steak et quatre aubergines? Je suis piégée comme tant d’autres, abusée par ces photos qui me promettent monts et merveilles bien loin des choses informes que je découvre sous vide, des produits de terroirs qui n’en sont pas et des cadeaux promis à mes enfants dans les paquets de céréales qui, une fois ouverts ne sont que des brimborions, la poésie en moins et la déception de mes enfants en plus.

 

Par Laetitia Monsacré

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