11 novembre 2017
La Flûte version années Folles à l’Opéra Comique

Production créée pour la Komische Oper à Berlin il y a quelques saisons, La Flûte enchantée revisitée par Barrie Kosky est en passe de devenir, au fil de sa tournée européenne, un spectacle incontournable de ces dernières années. Les mélomanes parisiens peuvent ainsi en profiter pendant une série de représentations en ce début novembre salle Favart.
Avec le Collectif 1927, le directeur de l’institution berlinoise a imaginé une relecture du singspiel de Mozart à l’aune de l’esthétique du cinéma muet – le nom choisi par Suzanne Andrade et Paul Barritt pour leur duo fait référence à l’année où est apparu le parlant. Sans se limiter à une reconstitution des années vingt, la scénographie utilise avec une virtuosité pleine d’esprit les techniques du muet dans des projections animées aussi colorées qu’inventives. Poursuites, costumes, coupes de cheveux, les héros évoquent tout un univers cinématographique, entre un Tamino à smoking noir, Papageno affichant une dégaine à la Buster Keaton, un Monostatos façon Nosferatu, ou Pamina un peu Louise Brooks.

La poésie visuelle pour tous

Mais cette créativité va au-delà d’un simple hommage à une époque, et sait raconter une histoire avec force effets graphiques et ludiques, à l’exemple des clochettes qui apaisent la fureur de Monostatos et ses cerbères, en transformant leurs pattes en jambes dodues de danseuses de cabaret. A la fois cohérent, et d’une irrésistible profusion, l’imagination visuelle ne connaît aucun répit, pour le plus grand bonheur de spectateurs, goûtant aux plaisirs que l’on réserve d’ordinaire aux enfants, d’autant que la barrière de l’allemand parlé des dialogues a été avantageusement remplacés par des tableaux de cinéma muet, sur fond de deux Fantaisies de Mozart, jouées au pianoforte – l’écart avec l’intégralité du livret n’empêche pas un retour aux sources musicales sur instruments d’époque. Dépassant les clivages entre pays et générations, la présente lecture ne se contente pas pour autant du simple divertissement, et sans avoir besoin de recourir aux symboles maçonniques, illustre au fil des squelettes, arachnides, chats noirs, et autres oiseaux blafards de nuit l’universalité des peurs et du besoin d’amour.  
Avec deux distributions en alternance, c’est la troupe de la Komische Oper de Berlin qui s’est déplacée. Dans la deuxième que l’on a entendue, on retiendra d’abord la Pamina sensible de Kim-Lillian Strebel. Le reste du plateau remplit le contrat, les individualités étant essentiellement au service de la réussite collective, du Tamino campé par Adrian Strooper, au Sarastro d’Andreas Bauer, en passant par le Papageno de Richard Sveda et Olga Pudova en Reine de la nuit. Les trois enfants sont pris dans l’effectif des Tölzer Knabenchor, quand l’Arnold Schoenberg Chor ne faillit pas à sa réputation. Dans la fosse, l’orchestre de l’institution berlinoise est dirigé efficacement par Kevin John Edusei, pour mieux animer le livre d’images que l’on gardera en mémoire en sortant.

La Flûte enchantée, Opéra Comique, jusqu’au 14 novembre 2017

 

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