9 janvier 2016
La danse dans tous ses états

 

Proust-Khalfouni

L’opéra Garnier ressemblait à Fort Knox ce mercredi 5 janvier avec la première fois sur la scène en pente la compagnie israélienne Bathseva; trois quart d’heure de retard pour faire entrer tout le monde après avoir bouclé la place de l’Opéra et des dizaines de fourgons de police, des agents du Mossad obligenat une fouille au corps, de laisser ses bouteille à l’entrée des portiques de sécurité ce qui était une bonne idée vu que les toilettes étaient toutes vérouillées! Tout cela pour une heure de spectacle, heureusement entamée par les Variations de Goldberg de Bach ou la musique planante de Brian Eno pour faire envoler les angoisses; majesté des danseurs, perfections des enchainements, miracle des figures imaginées par le chorégraphe Ohad Naharin, l’exercice est réussi, avec toutefois les transitions un peu lourdes et l’apparition un peu incongrues des postérieurs et sexes nus des danseurs sur les Beach Boys pas vraiment nécessaire…

La danse, une histoire de famille

Le magnifique et virtuose Mathieu Ganio, nommé étoile à 19 ans, reste lui toujours habillé- certains pourraient s’en plaindre-dans le très beau documentaire Comme un geste de Marlène Ionescu présenté par l’AROP au studio théâtre de Bastille. Les mécènes de l’Opéra de Paris se retrouvent ainsi tout au long de la saison pour des présentations d’opéras, ballets, concerts, dîner de gala et autres cocktails; celui-ci permettait de redécouvrir une belle histoire de famille, de « passage de flambeau » entre la sublime étoile Dominique Khalfouni et son fils, Mathieu Ganio. De mère en fils, la danse est leur passion et l’occasion de partager cette grâce qui semble être de famille. Barychnikov parle de cette étoile amoureusement, Vassiliev souligne « sa beauté spirituelle russe » et de « sa musicalité qui dépasse la technique en sortant de l’imaginaire ». Quant au fils, il suffit de le voir virevoltant en kilt dans La Sylphide ou torse nu dans le Proust de Roland Petit, chorégraphe pour lequel sa mère quitta l’Opéra de Paris en allant danser dans sa compagnie à Marseille. Des chiens, des chats et des étoiles comme Agnés Letestu, Cyril Atanasoff peuplent ce beau témoignage, qui ne sera malheureusement pas diffusé par le service public, la culture étant dans l’acceptation « populaire » du terme même sur France 3 comme l’a rappelé sa directrice, Dana Hastier le jour-même (lire article).

Mats Ek, so long

Enfin, et c’est l’événement de cette rentrée, les adieux à la scène du chorégraphe Mats Ek qui tire, après celle qui aima tant le danser, Sylvie Guillem, sa révérence cette semaine. L’unique et dernière occasion de voir ses créations car il a annoncé s’opposer à ce qu’aucune de ses chorégraphies ne puissent être reprise dans le futur. Que d’émotions donc dans la salle du au Théâtre des Champs Elysées, standing ovation devant l’interessé et sa femme, Anna Laguna, devant un plateau mis à nu, avec l’idée qu’on enlève tout. la musique d’Arvo Part pour le sublime solo for two ont permis de retrouver la grâce et l’emotion des pièces de celui qui a amené la vie dans toute sa violence dans sa danse, s’inspirant du théâtre de Bergman et de la grande Martha Graham. Les femmes y qui pleurent ou se mouchent dans leur robes, les couples échangent leurs vêtements après avoir fait l’amour, l’orgasme prenant la forme d’un escalier qui tressaute, une hâche, le temps qui passe, Mats Ek restera un des immenses chorégraphes de ce siècle, aussi attentifs aux costumes, lumières, respirations que des gestes sortis de son imagination féconde. Les larmes coulent, l’émotion est palpable jusque dans les loges. Rideau final.

LM

Batsheva compagnie à Garnier jusqu’au 9 janvier 2016

Mats Ek, From Black to Blue, au TCE jusqu’au 10 janvier 2016, 17 heures

Comme un rêve, DVD de Marlène Ionescu, Delange production

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