26 avril 2012
La croisière ne s’amuse plus

Voilà, c’était il y a cent ans. Le Titanic- après que son équipage ait ignoré le danger de la présence d’icebergs- ce navire, soi disant insubmersible, coulait, allégorie d’un monde sûr de lui et dans lequel ce fut encore les plus riches qui s’en tirèrent le mieux-38 % seulement des premières classes périrent contre 74 % pour les troisième classes. On dit que l’orchestre joua jusqu’au bout et que les premiers canots étaient presque vides…A cette merveille de luxe et de certitudes, il ne fallut à la mer qu’une heure et demi pour l’emporter. Et après des décennies, la preuve que ce n’était pas l’iceberg qui découpa la coque, mais les rivets qui sautèrent car mal fabriqués. Pourtant, on avait à l’époque la possibilité de tester leur résistance…Et les compartiments censés éviter le navire de couler n’étaient pas indépendants les uns des autres jusqu’en haut de la coque. En équipant le navire d’un nombre de  canots qui ne pouvaient contenir qu’un passager sur deux, c’est toute la certitude de la White Star Line qui s’incarne dans ce triste chiffre après qu’elle employa jour et nuit 14 000 ouvriers pour, à un rythme stakhanoviste, construire trois bateaux identiques et démeusurés, l’Olympic, le Britanica et le Titanic. Aujourd’hui, il en a coûté 7300 euros pour s’offrir la croisière commémorative-en costumes d’époque, avec beaucoup de passagers qui « ont vu le film! « -de James Cameron (au total 20 millions d’entrées) et qui vient de ressortir en 3D, histoire d’y « être » presque. Voyeurisme? Sans doute mais surtout consumérisme, ce désir de pouvoir s’offrir quelque chose d’exceptionnel. Et fondamentalement obscène.

Obèses et vieux

Reste que les croisières connaissent de plus en plus de succès, sorte de bulle où l’on est pris en charge, avec la possibilité de ne rien faire sauf de consommer; de la nourriture-on vous engraisse sur ces bateaux comme une oie- avec seulement entre deux et quatre heure du matin une pause pour les buffets à volonté comme sur le Queen Mary II, fleuron de la compagnie Cunard , et qui plus long que la Tour Eiffel,  est désormais le  seul à assurer aujourd’hui la transatlantique Southampton-New York en cinq jours. L’occasion chaque jour de reculer sa montre d’une heure, de s’habiller pour les soirées du capitaine et d’aller faire son shopping dans la boutique Hermès à moins que les achats viennent à vous  dans les couloirs. Pour les 1200 philippins en grande partie qui se chargent de laver votre verre sitôt posé et d’assurer la propreté du bateau-pardon du navire, si le capitaine me lisait…- la vie n’a guère changé depuis le Titanic; ils dorment toujours dans la soute, partis loin de leur famille toute l’année pour que leurs enfants aient trois repas par jour comme me l’a raconté Jojo, l’un d’eux. La paye? 60 $ par « fellow » multiplié donc par 2300 et divisé par 1200, cela fait donc 115 $ pour une semaine. Beaucoup^pour eux, pas grand chose en comparaison du forfait-sans vin, ni eau gazeuse-d’environ 1200 euros par vacancier. Et si le navire est magnifique, avec l’argenterie d’origine et ce chic britannique, ce ne sont qu’obèses et « ederly » qui se baladent en survêtement, allant de leur chambre à la salle de spectacle en passant par les machines à sous et les bars. Les jeunes qui ont du mal d’un côté, les vieux qui ont du bien de l’autre. Cette fois-ci, le navire arriva à bon port malgré, en cette Toussaint, la plus grosse tempête jamais traversée de mémoire de ce liner qui pour arriver à l’heure exacte prévue, ne put ralentir, utilisant un carburant spécial revenant à 100 000 euros de l’heure. Voilà la folie et la prétention des hommes qui commence à se retourner contre eux comme sur le Concordia, immonde et obscène ville flottante échouée comme un phoque obèse ou le Costa Allegra qui les contraignit, eux « les heureux du monde « chers à Edith Wharton,  à vivre comme des réfugiés, parqués sur le pont avec l’odeur des sanitaires et rien à manger. De quoi annoncer la fin proche de nôtre prétendue surpuissance, cela quelque soit le futur président en France comme aux Etats Unis…

Par Laetitia Monsacré

Naufrage du gigantisme…

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