Un Chapeau de Paille d’Italie est déjà un vaudeville hors norme. En faisant éclater le cadre traditionnel du genre, Eugène Labiche écrit, avec Marc-Michel, un des premiers vaudevilles de mouvement, c’est-à-dire qu’il ajoute au comique de situation habituel un déplacement continu des protagonistes, provoquant une tension supplémentaire dans la mécanique de l’intrigue, faisant ainsi évoluer la situation dans des lieux improbables où se jouent des scènes burlesques et cocasses. Ici, le déplacement est celui de Fadinard qui, le jour de ses noces se voit contraint de chercher dans tout Paris un chapeau – évidemment unique et introuvable – pour remplacer celui d’une dame que son cheval a dévoré… C’est autour de cet événement insignifiant – un cheval qui mange un chapeau ! – que la course absurde se met en branle, mais c’est parce que la dame à qui appartient ce couvre-chef italien était en compagnie de son amant et que son mari est jaloux et violent que la quête de Fadinard se transforme en croisade cauchemardesque, d’autant que le couple adultérin se cache où il doit passer sa nuit de noces et tous les convives de celle-ci, menée par le père de la mariée – Christian Hecq, irrésistible – forment derrière lui un cortège d’un incommensurable embarras.
Une comédie populaire hilarante
Il ne s’agit donc pas d’un boulevard ordinaire; interprété par les comédiens impeccables du Français dans une mise en scène explosive de l’italien Giorgio Barberio Corsetti, la petite pièce loufoque se transforme en une véritable épopée jubilatoire ! Des changements de plateaux époustouflants où le mobilier se meut en tableaux contrastés au jeu bondissant de Fadinard – un Pierre Niney qui montre ici l’étendue d’un talent qui ne saurait rester plus longtemps confidentiel – tout ici diffuse un dynamisme communicatif que la salle hilare s’approprie volontiers. Le look 70’s des personnages – qui comprend bananes, pattes d’eph et colles pelle à tarte – et la musique live inspirée par les BO de Kusturica complètent un spectacle qu’aucun grincheux ne pourrait regretter ! Tout juste pourrait-il reprocher à cette comédie où l’on chante beaucoup de ne pas faire suffisamment comprendre les textes des passages chantés. On retiendra davantage les numéros exceptionnels de Pierre Niney et de Christian Hecq, déjà cités, mais aussi les facéties d’Elliot Jenicot en dandy maniéré et grimaçant ou encore la petite culotte d’Adeline D’Hermy qui campe une mariée-petite fille aux acrobaties sulfureuses… Bref, un condensé de style et de drôlerie que l’on recommande vivement, et surtout à ceux qui croient encore que le théâtre n’est pas pour eux : quand elle le veut, la Comédie Française sait se rendre populaire pour offrir – et cela tombe bien en ces périodes de fêtes ! – un théâtre pour tout le monde !
Par Romain Breton
Un Chapeau de paille d’Italie à la Comédie Française, Théâtre éphémère, jusqu’au 7 janvier.