10 février 2012
La Colline se transforme en cave

 

Des applaudissements. Encore et encore. Au théâtre de la colline,  Stéphane Braunschweig a une fois encore, avec la pièce « Tage unter », gagné son pari de mettre en valeur cet auteur norvégienne. Pas étonnant. Le spectateur confortablement installé est rapidement transporté au fond d’une cave sombre –le décor se limitant à un renfoncement dans un grand mur d’agglos ainsi que deux chaises sur la scène- grâce à jeu d’acteur grandiose. Pourtant, l’histoire de la séquestration d’une fille et de son kidnappeur aurait pu être glauque, pénible voire ennuyeuse- même si le sujet semble en ce moment « à la mode ». Sans oublier les sous titrages pour traduire l’allemand. Mais, on se laisse avec plaisir embarquer dans un dialogue enlevé et pertinent. « Nous avons notre relation, une maison, des principes, une glace sans tain et un bunker » se répètent sans arrêt les protagonistes. Lui, c’est un homme bedonnant, le crâne dégarni, l’air autoritaire -appelé « Propriétaire ». Ce kidnappeur enlève tour à tour des personnes et les séquestre. Elle, -nommée « Femme »- est une jeune fille aux longs cheveux roux, qu’il explique avoir sauvée pour « l’aider ». Suivra une autre « Fille » et un « Garçon » qui évolueront dans cette cave vide –décor épuré. C’est alors là que ce fait le plus beau tour de force. Chaque émotion des personnages est à la fois exprimée par la parole, la gestuelle, mais aussi le cadre. En parlant d’eux même à la troisième personne, – » il frappe la Femme », dit’il sans la toucher- les acteurs deviennent narrateur tout en jouant leur texte, recréant cette distance et solitude qui caractérisent leurs personnages.

De quoi, dans « ces jours souterrains » –traduction de Tage unter- réfléchir sur certaines questions existentielles. De la perception de soi par rapport aux autres, ainsi l’une des kidnappée ne pense plus que par les consignes et la volonté du « Propriétaire », à l’imagination qui n’est qu’un jeu à travers lequel chacun tire son propre profit, sans oublier la notion de bien et de mal. Le tortionnaire enlève les autres pour leur « bien », tandis que lorsqu’un des personnages tue par légitime défense, on s’interroge sur la frontière fragile avec le « mal ». Comme le garçon prisonnier du bunker, on en vient à manquer d’air, suffoqué par l’atmosphère de cette pièce où nous nous sentons prisonnier tout comme eux dans la cave, en quête de réponses. Sorte de thriller psychologique et en même temps de récit philosophique, l’’impatience gagne alors le public de connaître l’issue de la pièce. Elle est surprenante et cinglante.

 

Par Sarah Vernhes

 

« Tage Unter » au théâtre de la Colline jusqu’au 12 février.

 

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