19 novembre 2011
La barbarie à visage humain


Le dernier a été le bon! De livre et de prix puisque le prix Interrallié clôturant la saison des prix  a été remis mercredi dans le très bourgeois restaurant Lasserre à Morgan Sportes pour son dernier livre « Tout, tout de suite ». Vingt ans après le succès de l’Appât, adapté au cinéma, cet auteur encore jamais récompensé renoue avec le document fiction. Et s’inspire à nouveau d’un fait divers qui survenu en 2006, fit la une des journaux : le meurtre atroce d’Ilan Halimi, torturé et séquestré durant 24 jours, par ceux que l’on a appelé le gang des barbares- une bande de paumés aux profils hétéroclites. On pense ici aux jeunes adolescents décrits par Breat Easton Ellis dans son premier livre Moins que zéro, ou encore à Elephant de Gus Van Sant ou Larry Clark.
Pour les policiers cette affaire est aussi d’ordre politique : on a enlevé Halimi parce qu’il était juif et supposé riche. Peut-on pour autant qualifier ce crime d’antisémite ? Simple erreur de casting diront les ravisseurs. La barbarie s’est installée au cœur de cette jeune génération, paradoxalement gavée de clichés et avide. Constat d’une banalité atroce et d’une atroce banalité. Comment une telle absence de conscience morale est-elle possible ?
Autopsie glaçante et glacée, ce roman, à mi chemin entre le thriller et l’enquête aurait pu être d’un ennui profond. Morgan Sportes décrit les faits avec une objectivité méthodique, un style minimaliste et les dialogues de ces jeunes qui d’une pauvreté navrante stigmatisent l’ anomie-c’est à dire l’absence d’organisation sociale après que les normes communément acceptées aient disparues. Ainsi, les citations en exergue des chapitres mettent-elles le texte en perspective avec une ironie mordante. Grâce à quoi, Morgan Sportes   invite à réfléchir sans pitié sur la faillite de notre société qui a rendu possible une telle abomination.
Difficile de démonter les rouages de cette tragédie post moderne. Les causes tant politiques que sociales et culturelles placent ce livre au cœur de l’actualité. Mais c’est aussi un brillant exercice de style. Le document fiction à la française prouve avec  ce livre qu’il n’a  plus rien à envier aux anglo-saxons.

par Anouschka Danna

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