20 décembre 2015
Kurt Masur, un héraut germanique disparait

Kurt_masur

Sur France Musique ce samedi soir, l’on pouvait entendre la scène finale d’Ariadne auf Naxos s’épanouir dans l’opulente orchestration de Richard Strauss, sans aucun effet d’emphase. Un programmation spéciale en place de l’habituelle retransmission de soirée lyrique présentée par Jérémie Rousseau, pour rendre hommage à Kurt Masur, disparu samedi 19 décembre à Grennwich, aux Etats-Unis. Et l’occasion de réentendre dans cet enregistrement le Gewandhaus de Leipzig et la puissance de Jessye Norman en Ariane mêlée à l’éclat du Bacchus de Paul Frey, tandis que l’on entend les derniers pas furtifs de la brillante Zerbinette d’Edita Gruberova glisser vers les coulisses.

Une autorité musicale

Du haut de sa stature imposante et de son geste mesuré, sinon économe, Kurt Masur compte parmi les légendes de la baguette. Né en Haute-Silésie, région désormais terre polonaise, il fait ses études à Leipzig, dont il dirigera l’orchestre – l’un des meilleurs au monde –  à partir de 1970, après être passé par Dresde et Berlin. C’est d’ailleurs lui qui fut l’initiateur de la nouvelle salle du Gewandhaus, inaugurée 1981, et dont la fonctionnalité de l’architecture extérieure protège une acoustique exceptionnelle, où s’épanouit l’identité éminemment germanique de la phalange saxonne. Figure incontournable de la vie est-allemande de ces années de guerre froide finissante, il fut l’un des acteurs clefs de la révolution pacifique de 1989, appelant la population à garder le calme, et accueillant « presque en chef d’état », pour reprendre les mots du commentateur radiophonique de ce samedi soir, François Mitterrand dans Leipzig libérée.

Années parisiennes

En 1991, il succède à Zubin Mehta au Lincoln Center, à la tête du New York Philharmonic, jusqu’en 2002, année où il prend les rênes de l’Orchestre national de France – l’un des deux orchestres de  Radio France avec le Philharmonique – dont il contribue à asseoir la réputation dans le grand répertoire symphonique, héritage qu’a continué Daniele Gatti à partir de 2008. Un soir d’avril 2012, il chute de son pupitre au Théâtre des Champs Elysées au milieu du troisième mouvement de la Pathétique de Tchaïkowski. L’incident, retentissant, car le concert est retransmis en direct, ne sera que d’une gravité limitée pour le chef, mais signe le déclin d’un homme atteint par la maladie de Parkinson, et dont les apparitions sur le podium se sont alors raréfiées.

La densité sonore, aisément reconnaissable de sa direction, reste gravée dans des enregistrements qui figurent souvent parmi les valeurs sûres, sinon de référence, de la discographie. Ce témoin de la fine fleur de la tradition germanique concertera désormais avec l’éternité.

Par Gilles Charlassier

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