16 janvier 2015
Kabarett, émouvant voyage au cœur du Berlin des années trente

Cabaret © Guy Rieutort-08

L’Allemagne au seuil du nazisme et Broadway se sont donnés rendez-vous avec Kabarett, musical d’Harold Prince, mais aussi film de Bob Fosse avec Minelli. C’est également depuis l’été dernier un spectacle de théâtre musical réglé par Olivier Desbordes, directeur artistique d’Opéra Eclaté et du festival de Saint-Céré, où la production est venue après la création aux Folies lyriques de Montpellier, et qui entame depuis décembre une tournée en France, jusqu’en 2016.

A rebours de tout réalisme, c’est par l’artifice de la scène que l’on rentre dans l’atmosphère du Kit Kat Klub, cabaret berlinois où arrive Clifford Bradshaw, jeune romancier américain venu chercher l’inspiration dans cette cité interlope à la réputation sulfureuse. Il s’y liera avec Sally Bowes, danseuse de revue à l’existence aussi cahoteuse que les amours. L’arrivée d’Hitler va faire basculer les destins et les compromissions, que l’écrivain qualifiera de lâcheté, choisissant le retour au pays où il veut emmener Sally. Entre tréteaux et passages du film de Fosse comme un paysage qui défile comme au travers la vitre d’un train, le dispositif dégage une singulière magie. On s’attache rapidement aux personnages, qui nous deviennent proches jusque dans leurs faiblesses et leur impuissance. Et le destin des protagonistes se mêle à celui de l’Histoire dans une intensification émotionnelle au fil de la soirée qui disqualifie toute velléité d’entracte.

Une touchante galerie de personnages

De cette remarquable alchimie d’artistes venus d’horizons que l’on dirait bien hétérogènes, on retiendra, bien évidemment la Sally de China Moses, fille de Dee Dee Bridgewater, dont le timbre chaud dessine les modulations, au diapason de ses élans et ses contradictions, ses élans et ses doutes. Samuel Thies souligne l’assurance, sinon l’arrogance de Clifford. Nicole Croisille libère la gouaille de l’hébergeuse Frau Schneider, avec un instinct scénique défiant les ans. Elle renonce à épouser Herr Schulz, juif mis au ban par le nouveau régime – Patrick Zimmermann touchant dans une résignation empreinte d’humour. Et comment ne pas succomber au Maître de cérémonie, inénarrable Eric Perez déclinant la déclamation chantée en allemand, anglais et français, autre cheville de cette aventure dont on se sort pas indemnes. Sans oublier la musique de John Kander, dirigée par Manuel Peskine, qui s’inscrit sans peine dans la mémoire.

Après avoir entamé la tournée au Chesnay et Blagnac, dans l’agglomération toulousaine en décembre, les parisiens pourront aller à Issy-les-Moulineaux le 31 janvier prochain, ou Massy en avril. De Strasbourg à Biarritz, la province ne sera pas en reste, pour rencontrer dans les troubles des années trente un saisissant écho à ceux d’aujourd’hui…

Giles Charlassier

Kabarett, à Massy les 11-12 avril 2015; Biarritz, le 23 avril ; Cahors, le5 mai ; Mézières, les 18-21 juin ; Clermont-Ferrand, 27-28 novembre ; Maison Alfort, 11 décembre ; Plaisir, 15 décembre ; Rueil Malmaison, 17-18 décembre ; Colet, 23 décembre ; Reims, Fréjus, janvier 2016 ; Avignon, mars 2016.

 

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