17 juillet 2012
Juste et oubliée

Elle s’appelait Suzanne. Aucun livre n’a été écrit sur elle et pourtant cette femme issue de la haute bourgeoisie belge fit un choix qui aurait dû lui offrir son nom à jamais dans les mémoires. Belle soeur du ministre belge des affaires étrangères, Paul Henri Spaak, peinte par Magritte, vivant à Paris, elle ne put supporter dès les premières lois anti-juives les persécutions sur lesquelles la plupart des parisiens baissèrent les yeux. Alors elle contacta écrivains, magistrats, intellectuels puis parcourut Paris et sa banlieue afin de trouver des caches pour ces enfants qui avaient échappé à la rafle du Vél d’hiv. Avec l’argent des éditions de Minuit, elle trouva des familles, en cachant certains chez elle au besoin tandis que les siens avaient été envoyés en Belgique, se sachant menacée. Car, ce qui frappe le plus dans ce destin de « juste », c’est que cette femme avait une position qui ne l’obligeait en aucun cas à « résister ». Elle aurait pu, privilégiée par la vie, ne rien voir de ce qui se passait; les étoiles, les privations, les interdictions. Cela lui coûta son mari-fuyant avec une maîtresse, sans doute désarçonné par cette femme devenue résistante au mépris de sa propre famille puis la vie lorsque les nazis après avoir arrêté ses belles- soeurs, son beau frère puis sa fille, elle se livra, son fils étant le prochain sur la liste. « Ce fut comme un suicide « dira-il. Ou le sacrifice ultime.  Emprisonnée à Fresnes en octobre 1943 , torturée, elle fut exécutée juste avant la libération de Paris. Grâce à elle des centaines d’enfants juifs comme les enfants Jaskiel ont pu vivre.« Ne craignez pas ceux qui tuent les corps et après ne peuvent plus rien faire » fut les mots prononcés à son oraison funèbre. Ainsi mérite-t’ elle aujourd’hui d’être bien vivante de « ce côté ci des morts »comme l’écrivait Emily Dickinson.

AW

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