5 juillet 2013
Juillet entre en danse

Elle n’est pas en photo dans les couloirs de l’Opéra Garnier où les étoiles de ces dernières décennies s’affichent en noir et blanc. Pourtant, sur la scène de ce même opéra, elle a brillé de mille feux, capté tous les regards, il faut dire magnifiée par Mathias Heymann, extraordinaire James. Elle, c’est Evguenia Obraztsova, danseuse principale du Bolchoï, invitée par Brigitte Lefevre, formidable directrice de la danse de l’Opéra de Paris pour encore quelques semaines. Un choix qui s’impose lorsque l’on voit cette sublime sylphide qui aurait sans doute pu rivaliser avec la Taglioni tant son jeu de bras  et ses jambes se plient magistralement au travail de bas de jambe très complexe et rapide tandis que les bras et le buste enchaînent les mouvements lents, spécificité de ce ballet qui fut le premier ballet romantique avant Giselle, le Lac des Cygnes… Celui-ci végétait depuis des années dans les caves du Louvre, au milieu de cartons. C’est là que Pierre Lacotte, ancien Premier Danseur de l’ Opéra de Paris, devenu chorégraphe, y retrouva les carnets de la Taglioni, cette exceptionnelle danseuse qui interpréta la Sylphide, créé « sur mesure » pour ses longs bras, grandes mains et son corps un peu maigre, par son père en 1832, sur une musique de Schneitzhoeffer. Un ballet qui marquerait par ailleurs d’après certains, l’apparition du tutu… Disparu du répertoire, c’est dès l’âge de petit rat que Pierre Lacotte commença à rêver dans la bibliothèque de l’Opéra Garnier à le faire revivre, fasciné par cette Marie Taglioni qui semblait subjuguer en son temps quiconque autour d’ elle.  Les documents étant incomplets, le chorégraphe dut recréer des parties manquantes comme les entrées en scène, mettant trois années au total pour venir à bout de ce puzzle qu’il entreprit de reconstituer à la faveur d’ une blessure à la cheville.

Du mystique de Taglioni à Carlson

Transformer une épreuve en une chance , voilà ce que les artistes savent mieux faire que quiconque avec tout d’ abord la réalisation d’un film pour la télévision, qui convainquit le directeur de l’Opéra de l’époque, de monter le ballet en 1971 avec dans le rôle titre, la danseuse Ghislaine Thesmar qui  n’est autre que la femme de Pierre Lacotte lequel lui offrit avec cette Sylphide, sa nomination comme Danseuse Etoile. Il faut dire que celui-ci demande de  » planer comme une plume » afin que le spectateur retienne son souffle, dans une histoire empreinte de spiritualité et de mysticisme. Telles sont également les toiles d’Olivier Debré. Dans un registre totalement différent, revoilà Signes à Bastille avec Marie-Agnès Gillot qui gagna son statut d’Etoile grâce à ce ballet associant le compositeur René Aubry et Carolyn Carlson. Elle était d’ailleurs là ce soir de première, silhouette de rêve à 70 ans, venant saluer en cet été qui l’a vue doublement honorée, entre Bartabas associé à Philip Glass et donc à l’Opéra de Paris, sa choregraphie une nouvelle fois donnée sur fond de toiles et des costumes étonnants d’Olivier Debré, ce peintre français qui semble être entre Nicolas de Staël et Mark Rothko. Les tableaux s’enchaînent, le noir et banc particulièrement beau pour une soirée où l’on avait l’impression d’être entre de vieux amis avec une quasi standing ovation  pour la chorégraphe, l’émotion palpable de Marie-Agnès Gillot de reprendre ce rôle neuf ans plus tard ou d’Agnès Letestu qui quittera le ballet en septembre. La salle n’était pas pleine et il reste des dates avec pour la dernière une matinée le 14 juillet, gratuite et ouverte à tous, à condition de se  lever tôt pour faire la queue…

LM

du 22 juin au 15 juillet à l’Opéra Garnier

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