5 avril 2014
JC Spinosi/ Peter Pan dans la fosse

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Arrive-t’il à Jean Christophe Spinosi de devoir s’arrimer à son pupitre afin de ne pas se mettre à voler au dessus de son orchestre? Avec son gabarit d’adolescent, son visage mobile et souriant, il semble défier les règles de la gravité, aussi léger que les notes qui s’élèvent dans les salles où il se produit, avec le bel ensemble Matheus que ce Corse a créé et installé toujours face à la mer, en l’occurrence l’océan Atlantique. Brest, là habite sa famille, une femme elle-même musicienne qui joue dans sa formation et leurs cinq enfants, tous artistes, ayant choisi l’un le violon, l’autre la danse, les arts plastiques, ou la comédie comme son aîné, Mathieu au physique d’ange blond. Quant au dernier, cinq ans, il commence à toucher le piano…Attrapé entre deux répétitions au Théâtre des Champs Elysées avec Cécilia Bartoli pour l’Otello de Rossini qu’il donnera à partir de ce lundi 7 avril et juste avant de sauter dans un avion pour  Budapest, où il s’en va jouer, avec sa quarantaine de musiciens, trois représentations d’Orlando de Haendel, l’interviewer est comme tenter de suivre un feu follet; les questions, les réponses, qu’importe, on est avant tout entrainé dans une ronde quasiment musicale et étourdissante à l’image de ce chef d’orchestre au visage d’empereur romain dont la joie est terriblement communicative.

Comment envisagez-vous votre métier de chef d’orchestre?

Pour moi, l’opéra, c’est du théâtre. Je pense que le chef d’orchestre doit être metteur en scène et que le metteur en scène doit aussi être musicien pour comprendre la partition, la musique qui traduit l’émotion secrète des personnages. Dans Cosi fan tutte, Ferrando qui se découvre cocu est ainsi très en colère alors que la musique de Mozart traduit à quel point il aime encore sa compagne. La musique trahit les émotions, c’est cela qui est magique dans l’opéra. Je cherche avant tout la dramaturgie comme dans la vie; quelle serait la musique de ce moment que nous partageons?

Que représente la musique pour vous?

C’est le moment de dire ou de voir les choses, la réalité humaine. Nous avons beaucoup de questionnements sur nous même; la musique est l’occasion d’aller fouiller pour faire remonter nos émotions. La mise en scène d’Otello est avant tout de chercher à être dans le vrai, pas dans le beau.

Etes-vous sensible aux critiques?

Je regrette souvent que quelqu’un qui n’a pas aimé écrive « ce n’est pas bon ». C’est un vrai problème dans le compte rendu des spectacles; vu le public déjà très restreint, il y a une vraie responsabilité du journaliste par rapport à la difficulté de monter une production. Car c’est à chaque fois un vrai combat, a fortiori en province.

Surtout que vous avez toute votre compagnie derrière vous…

Heureusement je remplis les salles, mais lorsque vous voulez faire quelque chose qui n’est pas standard, c’est plus difficile. Avec Cécilia Bartoli, en revanche, c’est bien sûr « tapis rouge » comme avec ces trois opéras que nous allons donner: Otello ici à Paris, l’Italienne à Alger à Dortmund, et La Centerola à Salzbourg. Travailler avec elle est un immense bonheur: elle n’a pas peur de montrer ses émotions, c’est une grande comédienne, avec une force incroyable.

Avec Otello, vous restez fidèle une fois encore à Rossini après cette Pietra del Paragone ô combien réjouissante au Châtelet!

C’est une vraie chance de pouvoir donner Otello à Paris, d’autant que l’opéra a été très peu joué dans la version de Rossini. Vous verrez, vous allez pleurer tellement c’est beau.  D’ailleurs,  lorsque Verdi a entendu la version de Rossini,  il ne voulait même plus appeler son opéra Otello, tellement il a été bouleversé.

Le Chef de choeur arrive. Jean-Christophe Spinosi n’a pas eu le temps de déjeuner, à peine celui de toucher à son verre. On le suit au pas de charge dans les coulisses du Théâtre des Champs Elysées. Un piano, sa baguette, et la répétition recommence. La magie aussi. Peter Pan vient de revenir dans le monde des hommes, pour quelques heures…

Par Laetitia Monsacré

Otello, de Rossini au Théâtre du Châtelet jusqu’au 17 avril 2014

 

 

 

 

 

 

On reprend un spectacle qui a été donné à Zurich. Dès le départ du projet, il y avait déjà Cécilia Bartoli et John Osborne. Et puis Rossini, c’est un plaisir de le retrouver après La Pietra della Paragone avec cette mise en scène de Pierrick Sorrin.

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