5 octobre 2012
Inégalable « Français »

La Comédie Française-le Français comme l’on dit- entame sa deuxième saison dans sa structure éphémère (la salle Richelieu sera prête en mars prochain), laquelle a trouvé sa place dans la cour du Palais Royal avec une belle évidence. On y est bien moins confortablement assis que dans les fauteuils capitonnés mais la scène, d’une belle largeur offre des tableaux tout à fait agréables surtout avec ces décors minimalistes mais inspirés de Jean Paul Chambas. Des pins, une simple barque ou une table pour ne laisser la place qu’au texte et au jeu des comédiens. Molière pour le premier, Loic Corbery, Serge Bagdassarian et Suliane Brahim pour les seconds, ce Dom Juan est une réussite à redécouvrir ou découvrir pour ce public toujours renouvelé qui s’offre près de trois heures de texte sans broncher. Il faut dire que les sociétaires comme on les appelle, ici mis en scène par Jean-Pierre Vincent, excellent dans leur jeu; ils ne déclament rien mais vivent leurs personnages. Les visages sont mobiles, merveilleusement expressifs comme celui de Loic Corbery qui compose un Don Juan tout en nuances, léger et presque innocent au début de la pièce « tout le plaisir de l’amour est dans le changement », avec ce coeur si généreux et « prêt à aimer la terre entière ».

Pourceau d’Epicure

Surgit alors  Elvire, à laquelle Suliane Brahim offre son visage frais et son talent certain; elle veut savoir pourquoi elle a été abandonnée, même si « c’est une lâcheté de se faire trop expliquer sa honte ». Sganarelle, est alors le témoin malheureux, victime consentante toute en chair-Serge Badgassarian époustouflant-accompagnant sans cesse ce maitre « pourceau d’Epicure » pour lequel « rien n’est trop chaud, ni trop froid »-comme ces paysannes au jeu impeccable là encore avec Julie Sicard qui, en patois, défend parfaitement son personnage de jeune fille si facile à abuser.

La violence des rapports maître/serviteur est ainsi tout du long de la pièce palpable, avec également les thèmes chers à Molière, les médecins, l’aristocratie « la naissance n’est rien où la vertu n’est pas », la dévotion et la tartufferie avec ce fils qui se repend devant son pauvre père pour de faux. Jouée seulement quinze jours malgré son succès, Molière ne put jamais la revoir sur scène; voilà qui est de bonne grâce près de trois siècles plus tard grâce au Français…

LM

Dom Juan de Molière à la Comédie française ( places disponibles au dernier moment) jusqu’au 11 novembre en alternance avec l’Ecole des Femmes

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