6 janvier 2014
Eva Ganizate/ In Memoriam

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Elle était soprane et avait incarné une pétulante Zénobie dans Ciboulette en février dernier, avant de prendre la défroque de Cendrillon en avril et de doubler Nathalie Manfrino sur Mârouf en mai. Nous l’avions rencontrée à la fin de la saison passée où elle nous avait confié des impressions au sortir de six mois passés au sein de la première promotion de l’Académie de l’Opéra Comique. Eva Ganizate ( appréciée notamment par Isabelle Adjani-lire son hommage) vient de succomber à un accident, renversée par une voiture alors qu’elle faisait du vélo ce samedi 4 janvier, le jour de son vingt-huitième anniversaire. Et ne sera donc plus jamais sur scène, ni pour Les Mamelles de Tiresias de Poulenc  qu’elle devait reprendre ce mois-ci à La Monnaie de Bruxelles ou Dilettante d’Avignon, prévu pour avril 2014. Autant dire que notre portrait croisé avec l’une des nouvelles recrues de cette année, Yete Queiroz, mezzo, qui jouera dans la version de Lakmé  conçue pour les enfants en marge des représentations de la production venue de Lausanne et Saint-Etienne, avant de travailler sur Ali-Baba au printemps prochain, sera aussi un hommage à cette personnalité pleine de vie qu’était Eva Ganizate. Si elle avait peu pratiqué le répertoire français avant son année à l’Académie, Yete Queiroz en avait déjà une certaine expérience, mais pour chacune l’Académie a constitué une opportunité pour approfondir leur connaissance d’un corpus et d’un style négligés depuis plusieurs décennies. Défendre le répertoire de l’Opéra Comique C’est en effet de ce constat d’une lacune dans la formation des jeunes chanteurs qu’est parti Jérôme Deschamps, le directeur de l’Opéra Comique, pour élaborer avec son équipe un dispositif pédagogique en parfaite synchronie avec la programmation de la maison, laquelle remet à l’honneur le répertoire de l’Opéra Comique, aujourd’hui frappé d’une injuste désuétude, d’autant que la dissolution des troupes d’opéra en France au moment de l’internationalisation du monde lyrique – plus ou moins à la fin des années soixante –  a entraîné un oubli de toute une tradition du chant français. A l’heure de la vogue des opéras studios et autres ateliers de professionnalisation pour jeunes chanteurs, il ne s’agissait pas d’en proposer un énième exemplaire, mais au contraire d’intégrer pleinement les solistes de l’Académie dans la saison pour deux ou trois productions – l’an passé, Ciboulette, Cendrillon et Mârouf, cette année, Lakmé et Ali-Baba. Aussi, le recrutement des chanteurs se fait-il en fonction des besoins des ouvrages programmés – ce qui explique par exemple l’absence de mezzo la saison passée. Un passionnant travail d’équipe Le travail, passionnant et intense comme nous l’avait avoué Eva Ganizate autour d’un verre, porte autant sur la diction chantée que sur la déclamation et le jeu théâtral. A ce titre, la rencontre avec Michel Fau sur Ciboulette a été particulièrement riche en enseignements, tant il est vrai qu’au sortir des conservatoires, les chanteurs demeurent souvent gauches sur scène. L’apport de Thierry Thieû Niang, à la régie de la Cendrillon chambriste de Pauline Viardot en avril dernier, est à cet égard remarquable. On le retrouve d’ailleurs cette année dans l’équipe encadrante, au côté des metteurs en scène et chefs d’orchestre des deux productions sur lesquelles l’Académie travaille. On ne saurait passer sous silence les chefs de chant, le coach vocal, Raphaël Sikorski, et la dramaturge, Agnès Terrier. Vendredi soir, lors de la première de Lakmé qui marquera les débuts publics de la seconde promotion de l’Académie de l’Opéra Comique, chacun aura sans doute une pensée émue pour Eva Ganizate et son sourire aussi pétillant que sa voix…

Par Gilles Charlassier

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