2 février 2015
Idoménée à Lyon, Mozart avec mitraillettes

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Longtemps négligé, le premier chef-d’œuvre de Mozart, Idoménée, retrouve depuis quelques années les faveurs de la scène, et rien que cet hiver, on ne compte pas moins de trois nouvelles productions en France. Après Montpellier, et juste avant Lille, Lyon fait venir de Covent Garden la mise en scène de Martin Kusej, dont on avait applaudi à Madrid une anthologique Lady Macbeth de Mtsensk de Chostakovitch venue d’Amsterdam et Paris. Force est de reconnaître que le metteur en scène se montre ici sensiblement moins inspiré. Si la direction d’acteurs éclaire certaines séquences de manière intéressante, sinon inédite voire iconoclaste, à l’instar de la rencontre entre Ilia et Idoménée au début du deuxième acte, où la jeune femme tente de séduire le souverain pour plaider la cause de son amour pour Idamante, les bataillons de mitraillettes à lunettes noires que l’on croirait directement importées de quelque milice poutinienne surlignent la violence du drame avec un air de déjà vu. La conception scénographique ne manque certes pas de cohérence, mais son apparente modernité respire finalement la poussière, et le vestiaire qui tente parfois de puiser chez Marthaler ou d’autres n’a pas la force expressive de ses modèles.

La jeunesse à l’honneur

On pourra au moins apprécier un plateau vocal de belle tenue, où la jeune génération se trouve significativement représentée. En témoigne Elena Galitskaya, entendue à Nancy dans Orfeo la saison précédente, et offre en Illia une composition nuancée, donnant le meilleur d’elle-même dans son air d’entrée, mêlant fragilité et grain vocal prometteur. Repéré par les Victoires de la musique, sans en avoir été encore lauréat, Julien Behr constitue un autre avatar de l’avenir du chant français : son Arbace aux verres brisés ne s’aventure dans une virtuosité superfétatoire – c’est en ce sens qu’il faut juger le déplacement de l’arioso du troisième acte au deuxième acte, et la suppression du plus long solo, écrit davantage pour l’interprète de la création que pour le drame.

Les principaux caractères ne demeurent pas sur la touche, avec un rôle-titre incarnée à une mâle énergie par Lothar Odinius, privilégiant parfois la puissance royale plutôt que la subtilité. Kate Aldrich réserve de beaux moments en Idamante, tandis que le l’Electre d’Ingela Brimberg vibre d’hystérie, comme la partie l’exige –  pas toujours de constance. Mentionnons encore les interventions de Didier Roussel en Grand-Prêtre et Lukas Jakobski en Voix tombant des cieux. Le chœur de la maison lyonnaise ne faillit pas à sa réputation d’excellence, quand l’orchestre sous la direction de Gérard Korsten assume l’essentiel, à défaut de marquer les mémoires.

GL

Idoménée, Opéra de Lyon, janvier-février 2015

 

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