11 novembre 2011
Hommage aux morts

« C’est l’honneur d’un grand peuple d’honorer ses soldats ». Ce 11 novembre a offert une magnifique opération communication à Nicolas Sarkozy qui, renouant avec la tradition, était accompagné de quatre enfants dont les pères sont morts cette année au combat-en Afghanistan. Beaucoup se souviendront du geste du président de remettre une écharpe autour du cou de ce petit garçon- eh oui je suis un papa avant tout. C’est en tous cas une bonne chose que de se souvenir que ce 11 /11/11 célèbre la fin d’une guerre qui fit 22 millions de morts  dont 1,4 millions de poilus dont plus un n’est désormais encore là pour témoigner. Alors ce témoignage devient transversal et c’est une bonne chose lorsque l’on pense que le 8 mai dernier -un dimanche- pas une ligne ne fut consacrée dans  le Journal du Dimanche à cette autre armistice, fin d’un cauchemar tout aussi grand -la seconde guerre mondiale. Ce que l’on appela la grande boucherie, ces hommes transformés en chair à canon, cette guerre de position où l’on se terrait dans des tranchées en attendant de sortir, ramper comme un rat et gagner quelques mètres au milieu des tirs d’obus qui réduisaient en bouillie tant de copains lorsque ce n’était pas le gaz silencieux qui vous faisait mourir dans d’horribles souffrances.

Des hommes d’honneur

« Sous la fièvre, à des bribes de mots, des convulsions de terreur sur les visages, on reconnaît le ressassement halluciné de ces visions d’enfer, les corps à demi ensevelis, déchiquetés, écartelés sur les barbelés, bleus étourneaux suspendus dans la pantière à qui semble refusée l’ultime consolation de s’étendre, d’attendre la joue contre la terre humide la délivrante mort, animés de hoquets grotesques à l’impact des balles perdues, soulevés comme des pantins de paille par le souffle d’une explosion, décrivant dans le ciel haché d’éclairs un rêve d’Icare désarticulé avant d’étreindre une dernière fois la lise féconde, bouche ouverte en arrêt sur l’effroi, regards étonnés pour tout ce mal qu’on se donne, tandis que le casque renversé se remplit d’une eau claire sauvée du bourbier, vasque délicate pour le jour des colombes. » Jean Rouaud dans  Les champs d’honneur a décrit avec une poésie terrible ces jeunes garçons ou pères qui ne sont pas revenus; Marc Dugain, lui choisit de raconter les rescapés, pas forcément mieux lotis lorsque défigurés à vie, ils revinrent dans  La chambre des officiers tandis que Jean-Pierre Jeunet, en adaptant Un long dimanche de fiançailles ou Bertrand Tavernier La vie et rien d’autre filmèrent avec grâce toutes ses femmes qui les recherchèrent- en vain ou avec plus de chances-selon. Des monuments aux morts seront fleuris de chrysanthèmes dans chaque village de France. D’autres iront dans les grandes surfaces désormais toutes ouvertes en ce jour férié, histoire de prouver qu’en pleine crise économique, la bataille du commerce ne connaitra -elle- sans doute jamais d’armistice.

par Laetitia Monsacré

 

 

 

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