24 décembre 2011
Haut les coeurs

« J’ai passé une excellente soirée…mais ce n’était pas celle là » Groucho Marx pensait-il à  ce réjouissement communautaire, factice et plein d’obligations que sont les réveillons? Cette joie qu’il faudrait prendre sur prescription, une dose le soir du 24 décembre, puis le midi du 25 et ça recommence le 31. On se shoote à la bouffe et dans les magasins, j’achète donc je suis heureux, je participe au rituel donc j’existe-partout des troupeaux d’hommes se rassemblent avec pour certains, mais de plus en plus rares, encore une petite messe à la clé.
Savez vous pourquoi le père Noel est en blanc et rouge? Coca cola; le sponsoring- age de glace. Et, si la toute puissante firme d’Atlanta a perdu son monopole, Santa Claus connait le même destin. Ringarde sa lettre à l’ère du mail, ses cadeaux, direction Ebay dès le 25 et ce n’est plus des plaines enneigées de  Laponie qu’il vient, mais des villes dortoirs de Chine. La magie de Noël? Attendez qu’elle entre dans ces familles recomposées où l’un est forcément seul ce soir-là ou dans ces familles « fantômes » le reste de l’année, dont les enfants ne garderont qu’un paquet cadeau comme souvenir de ces étrangers d’un soir que sont devenus leurs grands parents ou cousins. Le vélo promis arrive démonté dans un carton, il manque les piles pour faire pleurer la poupée, le foie gras est moins réussi que l’an dernier, la dinde est un peu sèche, le champagne pas très pétillant.
Fuir?  Bienheureux ceux  qui y parviennent sans être minés par la culpabilité devant leurs parents vieillissants- ce Noël est peut-être leur dernier, qui sait, et le sacrifice, la punition qu’ils imposent à leurs enfants, endoctrinés qu’ils sont depuis des mois…
Car voilà bien le problème: Noël est désormais un dû programmé dans le calendrier du consumérisme tout comme le Nouvel An, les soldes, passage obligé de tout animal social se respectant. Ou voulant l’être.
« Je ne fais rien » .Combien de nous auront la force de le dire et de s’y tenir; dans le « Et toi? » pointe déjà bien souvent l’amorce d’une supplique. L’avant est terrible. On hésite à sortir, « je voudrais être ce monsieur qui passe »comme le chante Reggiani; on imagine tous ces inconnus, allant forcément vers un merveilleux dont, on est, ce soir là, désespérément privé. On tente alors de se souvenir de toutes ces soirées ratées ou improbables mais c’est plus fort que soi, on se dit que l’on passe forcément à coté de la soirée qui aurait fait de nous quelqu’un de satisfait de sa famille, de ses choix, de cette année qui s’achève, et enfin, de sa vie.
Toutes ces fêtes sont en effet-et c’est là leur horrible perversité- l’occasion de bilan pour la plupart d’entre nous; elles scandent notre existence plus ou moins heureuse et achèvent parfois les illusions que nous avions pu bercer.
Rêve-de famille-pour Noël- de celles que l’on  voit dans les magazines de décoration et Rêves-d’amis-pour le réveillon.
Voilà sans doute pourquoi nous sommes si nombreux à ne pas aimer cette période où le froid arrive et où, en dépit des lumières qui scintillent partout dans la ville, le corps se serre, si ce n’est pas le coeur.

Par Laetitia Monsacré

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