23 juin 2013
Happy Birthday Wagner et le TCE

En cette année de bicentenaire, il n’y a pas jusqu’à Marc Minkowski à ne pas être tenté par l’expérience wagnérienne. Certes l’ancien bassoniste des Arts Florissants avait déjà contribué à faire connaître au public du Châtelet le premier opéra de Wagner, Les Fées, en 2009 – même si celui-ci, avec ses forts relents wébériens, reste en marge de la production du grand Richard. Avec Le Vaisseau Fantôme, on peut dire que le chef français entre pleinement dans l’univers du compositeur allemand. Après avoir été donnée à la fin du festival qu’il a initié il y a deux ans sur l’île de Ré où il a une résidence, l’œuvre s’invite à l’opéra de Versailles, couplée avec l’ouvrage éponyme de Pierre-Louis Dietsch.

Wagner version française

C’est que livret avait été par Wagner en français, alors qu’il était à Meudon. Mais la Grande Boutique ne lui a acheté que le texte, confiant la partition à un chef de chant de l’Académie Royale de musique (le nom primitif de l’Opéra de Paris) qui n’a guère passé la postérité. Et à la résurrection, rendue possible entre autres par la fondation Palazetto Bru Zane, qui assure depuis plusieurs années sa mission de redécouverte du répertoire romantique français, on le comprend aisément. Quelques pages retiennent certes l’attention, comme la Ballade reprise par le chœur, toutefois, l’intérêt de l’ensemble demeure essentiellement archéologique.

Du moins peut-on goûter l’involontaire clin d’œil avec le nom de l’héroïne, Minna, qui est aussi celui de la première femme de Wagner, ainsi que la conviction de Marc Minkowski. Ce dernier y semble manifestement plus à l’aise qu’outre-Rhin. De l’opus wagnérien, l’on retiendra la puissante Ingela Brimberg – parfois aux confins de la caricature – et l’on oubliera le tissu d’imprécisions dont nous ont gratifiés Les Musiciens du Louvre, manifestement insuffisamment préparés. Gageons qu’avec la tournée en Europe, et les nombreux concerts donnés à l’occasion des commémorations, Marc Minkowski et les siens auront apprivoisé le corpus de maître de Bayreuth.

Un sacre aux racines africaines

Si le Théâtre des Champs Elysées a généreusement célébré le centenaire du Sacre du printemps, où le ballet fut créé avec le scandale que l’on sait – pas moins de trois versions : Nijinski, Pina Bausch et Sasha Waltz – l’Opéra de Rouen ne reste pas sur la touche, en proposant en cette fin de mai une réduction pour piano à quatre mains avant de livrer deux jours plus tard sur la scène du Théâtre des Arts la vision de Georges Monboye, qui avec sa compagnie, enracine la Russie païenne sur la terre africaine. A l’inverse des conceptions très ritualisées d’un Béjart ou d’une Pina Bausch, le spectateur est emporté par une énergie immédiate, presque déroutante.

Plus lisible sans doute apparaît le Prélude à l’Après-midi d’un faune, interprété successivement par un homme, puis une femme. Intronisés à chaque fois par un roulement de tambour prolongé, les mêmes pas, les mêmes gestes prennent un sens différent selon les genres : à la vigueur physique de la masculinité répond une expressivité plus « féminine ». Une preuve de la richesse du vocabulaire chorégraphique, et des ressources de ces chefs-d’œuvre éternels de Debussy et Stravinski.

Roberto Alagna, ou le retour triomphal d’Ulysse

Et puisqu’il est question de centenaire, le Théâtre des Champs Elysées redonne en cette fin de saison plusieurs les ouvrages qui avaient fait l’inauguration. Ainsi en est-il de Pénélope, l’unique opéra de Fauré, créé à Monte-Carlo – comme tant d’autres ouvrages français de l’époque, tel L’Enfant et les sortilèges de Ravel – et que le nouveau théâtre de Gabriel Astruc s’est empressé de programmer. S’il faut avouer que le syncrétisme de la partition, mêlant entre autres wagnérisme et héritage de Massenet, a passablement vieilli, la luxueuse distribution réunie avait tout pour convaincre le mélomane dubitatif. Certes, l’Orchestre Lamoureux, placé sous la direction de Fayçal Karoui, se montre honnête et méritant, à défaut d’être irréprochable de bout en bout. Mais c’est évidemment le duo formé par la Pénélope soignée – trop pour certains – d’Anna Caterina Antonacci et le solaire Ulysse de Roberto Alagna, désormais quinquagénaire mais toujours vaillant et à la diction impeccable, que les applaudissements et les bouquets ont fleuri à l’issue du concert. Il restera au moins cela de mémorable.

GC

Le Vaisseau Fantôme, Dietsch et Wagner, Opéra de Versailles, 21 mai 2013

Le Sacre du Printemps, Opéra de Rouen, 31 mai 2013

Pénélope, Théâtre des Champs Elysées, 20 juin 2013

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