28 mai 2014
Une Lucrèce Borgia toute en noirceur

LUCRECE BORGIA -

« Dans votre monstre, mettez une mère ; et le monstre intéressera, et le monstre fera pleurer. » C’est en 1833 et seulement en quatorze jours que Victor Hugo écrivit cette tragédie qui présente la belle Lucrèce Borgia comme une empoisonneuse sans pitié, à l’exception de celle que lui inspire son fils incestueux Gennaro, vaillant capitaine qui ignore tout de sa scandaleuse lignée. « Je n’étais pas née pour faire le mal »; avec sa voix si particulière, Guillaume Gallienne joue le travestissement à la perfection, vêtu d’une sobre robe noire imaginée par Christian Lacroix face à Suliane Brahim, d’une force et d’une fraicheur éclatante dans le rôle de ce fils qui idéalise sa mère inconnue. En deux parties, dans une Venise représentée par une gondole puis un palais de Ferrare, superbement scénographiées par Eric Ruf qui joue également duc Alphonse d’Este, troisième époux de Lucrèce, le drame avance inexorablement vers sa fin forcement tragique.

Une distribution de rêve

Bref, le tableau est noir, tout comme cette mise en scène de Denis Podalydès où la brutalité des hommes encourage celle de cette femme, fille du pape et d’une courtisane, dont les frères se sont entretués et que l’on devine être elle aussi une victime, ce que les historiens ont par la suite confirmé. « Ayez pitié des méchants, vous ne savez pas ce qui se passe dans leur coeur », le texte d’Hugo respire la modernité et trouve dans cette nouvelle production toute sa force âpre grâce à une troupe une nouvelle fois à son meilleur (formidable Christian Hecq en valet fidèle, mélange de Iago et Méphisto),  dans laquelle Guillaume Gallienne parvient, malgré sa récente starisation, encore à se fondre. Et à faire oublier qu’il est un homme, sans jamais surjouer la féminité de Lucrèce, ce qui pêche quelque peu au niveau de l’émotion. Voilà qui est cependant apprécié comme il se doit par le public présent ce soir-là; des chanceux, la salle Richelieu annonçant complet avec heureusement, une reprise la saison prochaine.

LM

Lucrèce Borgia, de Victor Hugo à la Comédie Française jusqu’au 20 juillet 2014

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