Quatrième livre et une pré-selection au Goncourt, Grégoire Delacourt s’affirme en cette rentrée littéraire comme un écrivain de moins en moins « amateur » comme il aimait lui-même à se définir lors de son coup de maître, La liste de mes envies. Avec On ne voyait que du bonheur, la légèreté de ces premiers livres fait rapidement place à la gravité avec des personnages prisonniers de leur- pauvre -destin, préférant la chute puisque n’ayant pas atteint cette vie à laquelle ils aspiraient. Il y est aussi beaucoup question de reproduction familiale, comment l’on n’échappe pas à ce que vous ont transmis-ou pas-vos parents; ceux d’Antoine, agent transparent d’assurance, apparaissent comme une malédiction, avec un père plein de petites lâchetés qui se meurt d’un cancer et une mère (qui fume toujours des Menthol comme dans son premier livre L’écrivain de la famille) qui les a abandonnés lui et sa soeur Anna, après qu’Anne, l’autre jumelle ne se soit pas réveillée. Du lourd, vous dis-je avec une descente aux enfers face à la difficulté de la vie-sa femme qui le trompe, son job perdu pour avoir cessé une fois d’être un salaud et un geste de désespoir sur sa fille qui le mènera jusqu’au Mexique, chercher une forme de rédemption et d’apaisement. Les chapitres courts, l’écriture nerveuse, le sens inné des formules, on retrouve le talent de Grégoire Delacourt qui prend le risque de s’attaquer ici à un registre empli de noirceur qu’il ne peut s’empêcher de tenir néanmoins à distance. La chose est déroutante, risque de diviser mais aussi de séduire ses lecteurs avec cette question essentielle et tragique sur la valeur de la vie et la réponse que ses personnages tenteront d’y apporter quelques trois cents pages plus tard.
LM
On ne voyait que du bonheur, aux éditions Lattès