1 octobre 2012
Grand Palais/ Vite au premier!

« Si tu ne sais pas où tu vas souviens-toi d’où tu viens ». La vie de Bohème débarque au Grand palais avec une scénographie inspirée une fois encore de l’incontournable Robert Carsen, star des expositions parisiennes de la rentrée. Et le moins que l’on puisse dire c’est que rares seront ceux qui-n’en déplaise aux détracteurs de ses mises en scène- prendront beaucoup de plaisir, en comparaison à ce qui attend le visiteur à l’étage, à défiler devant des tableaux s’alignant sur des cimaises comme dans un couloir de métro. Tel est le rez de chaussé avec pourtant de belles oeuvres et une intéressante genèse de ces bohèmes qui depuis l’Egypte-Moïse, Joseph puis avec Léonard de Vinci ont exercé fascination et crainte. Les artistes, libres comme eux, n’ont eu de cesse à fantasmer sur cette vie sans attaches et sans règles, quitte à ce que ce « parcours de peine « ne les mettent hors la loi, au ban de la société.

Sans toit ni loi

Grotesques ou gracieux, vulgaires ou raffinés, ils sont là avec leur musique, des chants tziganes étant diffusés par les  hauts parleurs, Zingarelle, diseuse de bonne aventure ridée ou égyptienne diabolique,  peints par Georges de la Tour tandis qu’ils font les poches ou chez Watteau, décrits par Cervantes ou Jean Jacques Rousseau. Et un rappel:  1650, Louis XIV se costume lui même en bohémien pour danser un ballet tandis que la fin du XIX ème siècle les célèbre à travers les opéras comme La Traviata, Mignon ou encore Carmen et cet « amour enfant de bohème qui n’a jamais connu de loi ».

Puis les voilà qui arrivent dans les paysages, avec notamment Gainsborough, premier peintre anglais à s’intéresser à ces nomades que l’on voit dans cette série de tableaux présentés  sur du stuc marron. Renoir, Manet, Van Gogh, autant d’artistes à s’être sentis comme « un voyageur qui arrive quelque part » tout comme Courbet, le sculpteur Henri Cros, Van Hoos et sa belle cartomancienne inspirée par sa femme alors que  Carmen a les honneurs d’une colonne Moriss ornant l’escalier menant aux salles du haut. Là enfin, le musée se fait théâtre avec cette première salle aux murs décatis, une cheminée plus vraie que nature-lieu où souvent ces artistes  cuisaient leurs aliments. A moins que ce ne soit grâce au poêle  reconstitué dans une salle jouxtant des chevalets tachés par la gouache-le sens du détail est partout-qui accueillent des toiles montrant les intérieurs d’atelier d’artistes.

Désespoir, folie et pauvreté

Puis une immense tente en jute renferme la photo ô combien célèbre de Rimbaud par Etienne Cargens, les gravures de Gide ou les gravures de décors et la partition originale datant de 1895 de La Bohème avec une tête de mort dessinée dans la marge de l’acte IV par Puccini pour signifier la mort de Mimi; cette mort qui rôde partout comme pour le héros d’Alfred de Vigny, Chatterton-incarnation de cette génération sacrifiée. La pipe, la blouse, la barbe naissante, autant d’attributs qui caractérisent ces hommes qui flirtent avec le désespoir et la folie; sans oublier la pauvreté avec cette fameuse paire de chaussures peintes par Van Gogh venues du musée consacré au peintre à Amsterdam. Et qui n’auraient pas été les vraies de l’artiste…

« Quand vous me verrez positivement manger de la merde alors vous trouverez que je ne coûte plus cher à nourrir ». Ainsi Rimbaud apostrophe- t’il Verlaine, lui qui n’eut droit qu’à un coin de table avec son protégé dans le tableau de Fantin-Latour qui porte le même nom. Bientôt, on pénètre dans ces cabarets de Montmartre « canaille » ou les bistrots où il faisait bien chaud; Satie au piano, le groupe des Batignolles que l’on ne nomme pas encore les Impressionnistes à leurs toiles, ils élisent domicile dans ce village encore entouré de champs.

Le Lapin agile, le Moulin de la Galette; le café du rat mort, la Brasserie des Martyrs-autant de lieux où les artistes se retrouvent pour tromper leur vie de bohème et de pauvreté, avec de la bière et des femmes-la goulue ou Grille d’égout. Des femmes perdues ou au cigare, prostituées peintes par Degas, Van Dongen ou Toulouse-Lautrec. Autant de toiles magnifiques pour une exposition qui a suscité l’engouement à en croire le livre d’or. Sans oublier les souvenirs, catalogues ou CD mixé par Béatrice Ardisson avec tous ces artistes tziganes qui de Django Reinarth à Carmen en passant par Mouloudji ou Tony Gattlif ont chanté la bohème…

LM

Bohème au Grand Palais jusqu’au 14 janvier 2013

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