17 avril 2012
Don Corporate

Un petit mois à l’affiche de Bastille et encore quatre dates. Don Giovanni, crée en 2007 sous l' »ère Mortier » était annoncé comme l’un des highligts de la saison; jugez plutôt, le réalisateur Michael Haneke- palme d’or pour « Le ruban blanc » à la mise en scène, Peter Mattéi, retrouvant une fois encore  le rôle du séducteur maudit et deux chanteuses à la voix aussi parfaite que leur plastique-Patricia Petitbon et Véronique Gens. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’on est pas déçu. Voilà une mise en scène qui n’a pas pris une ride avec cette transposition heureuse dans le monde glacial et glaçant du travail, avec toute sa violence si bien décrite par l’écrivain, Delphine de Vigan dans « Les heures souterraines ». Un hall impersonnel-magnifique décor de Christoph Kanter accueille un Don Juan en costume cravate porté par le triomphant et élégantissime Peter Mattéi- époustouflant de cynisme. Léporello devient son assistant, corvéable à merci tandis que Donna Elvire, Véronique Gens merveilleuse, est une ex collègue de ce Don Juan qui collectionne les femmes comme d’autres les stock-option. Zerlina et son fiancé, Masetto, font partie des équipes d’entretien, vêtus de blouses informes bleues, sans droit et sans identité. La violence est ici banalisée comme lorsque Don Juan tue le commandeur avec un couteau pris sur un plateau repas ou arrache au passage d’une femme de ménage sa blouse, la laissant nue devant tous. Et de songer alors à l’impunité des puissants, de penser à cette affaire DSK. Puis, Don Giovanni ira au bout de son destin, refusant le repentir jusqu’à la fin, jusqu’à ce moment où il sera enfin châtié, tout d’abord  par le commandeur puis jeté par le peuple à travers cette baie vitrée. Alors, enfin, le soleil pourra venir, vainqueur de l’obscurité. Michael Haneke a merveilleusement su recréer le drame de Don Juan et donner une vision moderne et universelle à l’Opéra de Mozart, formidablement joué sous la baguette de Philippe Jordan. Un grand moment.

LM

 

Don Giovanni à l’Opéra Bastille-jusqu’au 21 avril -19h30

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