9 janvier 2020
Fortunio, vaudeville allégé à l’Opéra Comique

Il y a dix ans, l’Opéra Comique ressuscitait un chef-d’oeuvre oublié de son répertoire, absent de la scène de Favart depuis six décennies, Fortunio de Messager, inspiré par une pièce de Musset, Le chandelier. Si l’intrigue, emmenée par une partition efficace et suggestive, est construite sur les traditionnels chassés-croisés amoureux, le dénouement se distingue par une subtilité savoureuse. Pour cette reprise en cette fin 2019 juste avant les fêtes, on retrouve la mise en scène inspirée de Denis Podalydès et les décors poétiques d’Eric Ruf. Avec la complicité des costumes dessinés par Christian Lacroix, évocateurs de la Belle Epoque, sans alourdir le pastiche, le spectacle fluide et habile restitue l’atmosphère tendremais au livret quelque peu léger de ce vaudeville, baigné par les lumières de Stéphanie Daniel.
Au-delà de la réussite scénographique, cette nouvelle série de représentations offre une tribune à la fine fleur du chant français, attentive à la qualité et au naturel de la diction. Dans le rôle-titre, Cyrille Dubois affirme une fraîcheur délicate et sincère, teintée d’une réserve et d’une touche de mélancolie idéales pour ce personnage tout en sensibilité juvénile, relayée par un belle clarté de la ligne et la maîtrise d’une émission souple et aérée. En Clavaroche, Jean-Sébastien Bou contraste avec une robustesse hâbleuse à souhait, irrésistible jusqu’au ridicule sous l’uniforme.

La fine fleur du chant français

La Jacqueline faussement sainte-nitouche campée par Anne-Catherine Gillet y succombe et régale autant les oreilles que le théâtre en s’appuyant sur les ressources de son babil soyeux et expressif. Franck Leguérinel compose un Maître André inénarrable, dans un équilibre avisé dans la déclamation chantée qui souligne le comique involontaire d’un époux cantonné à l’affection paternelle. Philippe-Nicolas Martin affirme l’insouciance de Landry avec un chant solide et investi.
Parmi les figures plus secondaires, on retiendra l’autorité bienveillante du Maïtre Subtil de Luc Bertin-Hugault, quand Pierre Derhet et Thomas Dear, respectivement Lieutenant d’Azincourt et Lieutenant de Verbois, forment une convaincante paire de militaires. Mentionnons encore les répliques de Madelon, assumées par Aliénor Faix. Outre les choeurs Les éléments, préparés avec une exquise précision par Joël Suhubiette, la Maîtrise populaire de l’Opéra Comique, « projet à la fois artistique, éducatif et social », pour reprendre les termes de la campagne de levée de fonds auprès du public lancée par la Salle Favart, complète les saveurs d’un ouvrage défendu énergiquement par Louis Langrée et l’Orchestre des Champs Elysées. Une belle manière de finir l’année – et une consolation avantageuse aux mouvements sociaux qui paralysent d’autres institutions culturelles…

GC

Fortunio, Messager, Opéra Comique, décembre 2019

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