24 juillet 2016
Fin de saison italienne à Madrid

 

Après l’épure du Moïse et Aaron de Schönberg en juin, le Teatro Real achève sa saison sous le signe du belcanto pour rassasier les amateurs de grandes voix, sinon de légendes. Avec Les Puritains de Bellini, c’est l’oreille d’abord, pourrait-on dire, et la seconde distribution entendue ne le démentira pas.

Dans cette Grande-Bretagne qui a tant inspiré les romantiques italiens – Lucia di Lamermoor se déroule en Ecosse, tandis que dans présent ouvrage, l’on est dans l’Angleterre de Cromwell –, l’honneur et les luttes politiques malmènent souvent l’intégrité mentale des femmes, et la victime ici se nomme Elvira. Dans ce rôle sur pointes, Venera Gimadieva se confirme comme l’une des étoiles montantes de la nouvelle génération. Si elle possède l’agilité légère requise, elle n’en oublie pas pour autant la sensibilité d’une incarnation qui fait frémir la fragilité du personnage. En Arturo, Celso Abelo ne manque pas d’éclat pour s’opposer à son rival Riccardo, assumé par le solide George Petean. Roberto Tagliavini ne néglige aucunement l’autorité de Giorgio, que n’ignore pas non plus le Lord Gualtiero Valton de Miklós Sebestyén. On mentionnera également Henriette, la reine de France alors en clandestinité, dévolue à Cassandre Berthon, ainsi qu’Antonio Lozano, Bruno, le complice de Riccardo, sans s’attarder sur l’énergie manifeste de la direction d’Evelino Pidò, métronome presque incontournable dans ce répertoire. Souvent élégante et illustrative, la production confiée à Emilio Sagi joue ingénieusement des effets – par exemple la multiplication des lustres – pour habiller le drame.

Domingo défend un Verdi rare

Cette mi-juillet est par ailleurs l’occasion pour Placido Domingo de revenir dans sa ville natale et y défendre, en version de concert, un opéra de Verdi assez rarement programmé, I due Foscari, dont l’action se déroule dans la Venise qui sera aussi celle de Simon Boccanegra. Endossant désormais les figures paternelles de baryton, le ténor espagnol fait palpiter toute l’amertume du pouvoir que le doge Francesco Foscari porte comme un faix. Avec un instinct consommé, il s’autorise quelques libertés avec les exigences techniques pour transformer en ressources expressives certaines humeurs aux confins du parler. Sans doute est-ce là le signe du grand art, faire oublier les menues faiblesses de l’âge.

D’autant qu’il est plutôt bien entouré : Michael Fabiano n’économise pas la puissance du fils Jacopo, tandis qu’Angela Meade insuffle à sa Lucrezia Contarini un lyrisme évident. Le reste du plateau ne démérite pas. On retrouve en Loredano Roberto Tagliavini, entre deux soirées belliniennes, aux côtés du Barbarigo de Mikeldi Atxalandabaso. Evoquons encore les interventions de Susana Cordón, Miguel Borallo et Francisco Crespo, respectivement Pisana, membre du Conseil des Dix et serviteur, ainsi que les choeurs, efficacement préparés par Andrés Máspero. Quant à Pablo Heras-Casado, sa lecture s’attache à restituer l’intensité d’une partition qui mériterait un peu plus les faveurs de la scène.

Par Gilles Charlassier

Les Puritains, I due Foscari, Madrid, Teatro Real, juillet 2016

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