6 juillet 2018
Fin de saison chorégraphique sous le signe de la modernité à l’Opéra des Flandres

En alternance avec Le Joueur de Prokofiev, l’Opéra des Flandres referme sa saison avec un triptyque chorégraphique mettant en avant la modernité de la danse, que la compagnie belge sait servir avec talent, ainsi qu’on a pu le vérifier récemment. La soirée s’ouvre sur une coproduction avec les Ballets de Monte-Carlo du directeur de la danse, Sidi Larbi Cherkaoui – qui donne d’ailleurs son titre à l’ensemble du programme. Memento mori mêle le geste, la musique et les mots dans un spectacle qui se veut total. Rehaussé par les pénombres subtiles de Fabiana Piccioli, le spectacle invite à une immersion plutôt bien construite autour de la destinée humaine, même si le propos ne manque pas de longueurs.
La volonté expressive cède à l’ivresse du mouvement avec Forsythe et Workwithinwork. On reconnaît l’abstraction narrative du chorégraphe américain, qui, sans relâche, semble chercher l’essence dynamique de la danse. Même si, sur le papier, les seize solistes portent un nom, les personnages ne sont pas identifiables à une dramaturgie traditionnelle. Le jeu des permutations reproduit des saynètes schématiques à la manière des Duetti per due violini de Berio, des études qui explorent les ressources techniques de l’instrument jusqu’à façonner des miniatures poétiques. Les sensibilités musicales et visuelles se conjuguent, portées par des interprètes qui assument pleinement l’exigence athlétique de la pièce, secondée par l’économie de la scénographie, imaginée par Forsythe lui-même. On saluera en particulier Joëlle Auspert, qui en cette dernière, fait ses adieux, en même temps que la costumière de la maison. Avec ce classique de la danse contemporaine, qui a tout juste vingt ans, c’est une ultime tour de piste sous le signe de la vitalité.

Vitalité de la danse

A la fois aux pas et aux sons, Hofesh Schechter fait appel, comme Cherkaoui, sur un matériau multimédia, pour mettre en forme les mutations des pulsions individuelles en force, voire violence collective, de la fébrilité intérieure à la foule vindicative. Moins explicite sans doute que Memento mori, In your rooms traduit dans un langage éminemment chorégraphique ces évolutions psychologiques et politiques, sur une trame rythmique d’une efficacité contagieuse que mettent en valeur les pupitres de l’HERMESensemble, et singulièrement les percussions, sous la battue de Nell Catchpole. Les lumières conçues par Lee Curran façonnent les intimités qui éclatent en ensembles d’une puissance évidente. Précises et foisonnantes à la fois, les masses se font les porte-paroles d’un discours qui n’a pas besoin de déclaration d’intention : un finale qui signe la victoire de la danse, et l’intelligence d’une programmation.

Par Gilles Charlassier

Memento Mori, Cherkaoui, Forsythe, Shechter, Ballet de l’Opéra des Flandres, juin-juillet 2018

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