12 juillet 2012
Fin de saison à Vienne : le salut par les voix

Les metteurs en scène seraient-ils à court d’inspiration ? Pour rebattue qu’elle puisse paraître, la question ne s’en pose pas moins, au vu des trois nouvelles productions qui referment la saison lyrique à Vienne.

Traviata au sanatorium

Rendez-vous incontournable de la scène autrichienne de la fin du printemps, les Wiener Festwochen proposent cette année la célébrissime Traviata de Verdi, mise en scène par la prolifique Deborah Warner, ayant sans doute estimé que le Theater an der Wien, hôte de la production lyrique, s’intéresse suffisamment aux raretés pendant le reste de sa saison.
Le décor clinique sur lequel s’ouvre le rideau et qui sera le cadre du dernier acte souligne de manière attendue la phtisie à laquelle l’héroïne succombera, et la succession des saisons en fond de scène pour décrire la progression de l’intrigue confirme une interprétation littérale et standardisée de l’histoire de Violetta, peu dérangeante il est vrai, mais guère plus enthousiasmante.
Heureusement l’oreille réserve une excellente surprise avec le Germont clair de Gabriele Viviani, nous épargnant les barbons charbonneux que l’on sert parfois pour le père d’Alfredo, vigoureux Samir Pirgu aux côtés d’une Irina Lungu un peu fatiguée. Plus contestable en revanche s’avère la direction parfois brutale du poulain de Daniel Barenboim, Omer Meir Wellber.

Les Wiener Symphoniker, un orchestre viennois décidément bien français

Quelques semaines plus tard, le même Theater an der Wien proposait un autre classique, français cette fois, avec Les Contes d’Hoffmann d’Offenbach. Les mânes de Robert Carsen semblent s’être penchés sur les planches de Roland Geyer, comme la longue table de beuverie devant une reproduction d’un Arcimboldo du Musée des Beaux-Arts voisin ou la projection du plafond de la salle du Theater an der Wien, effet de miroir dont le canadien se montre particulièrement friand. Sans être une mauvaise idée, les figurants de mascarade auxquels on a fait appel relèvent cependant plus du gadget que d’une véritable direction d’acteurs..
L’attrait de la production résidait surtout dans la triple performance de Marlis Petersen, incarnant les trois héroïnes féminines de la soirée, manifestement à l’aise dans les aigus stratosphériques d’Olympia. Son Antonia manque quant à elle d’un peu de rondeur tandis que sa Giuletta s’affiche trop unilatéralement machiavélique. Reconnaissons au moins son français acceptable, comme l’est aussi celui d’Arturo Chacon-Cruz, Hoffmann très méridional, ainsi que l’efficacité de la direction de Riccardo Frizza, à la tête des Wiener Symphoniker, rompus à l’école française comme en avait témoigné l’Hamlet de mai dernier.

Don Carlo pictural à la Staatsoper

Mais c’est sans doute le Don Carlo commandé par la Staatsoper au fils de Claudio Abbado, Daniele, que l’on retiendra de cette fin de saison viennoise. S’il rappelle furieusement celui de Graham Vick à l’Opéra de Paris, la monomanie cruciforme en moins, le dispositif présente au moins l’avantage de mettre en valeur la dramaturgie particulière du chef-d’oeuvre de Verdi. Opéra historique inspiré par la pièce de Schiller, il fonctionne comme une succession de tableaux mettant en scène le pouvoir politique et religieux au moins autant que l’histoire d’amour contrariée entre Carlos et Elisabeth, sa promise devenue sa mère par son mariage avec Philippe II. C’est d’ailleurs avec intelligence que la dimension picturale de l’ouvrage est mise en avant – avec entre autres une reproduction des Ménines de Velasquez en chair et en os à la fin du premier acte.

Plateau vocal et orchestre de rêve

Avec le Philippe II de René Pape – une référence aujourd’hui dans ce rôle -, le Rodrigo remarquablement investi de Simon Keenlyside, Ramon Vargas en Don Carlo ou encore Krassimira Stoyanova, divine Elisabeth, la Staatsoper a réuni un plateau vocal de rêve, tout comme l’est la direction de Franz Welser-Möst, lequel se confirme comme l’une des meilleures baguettes du moment – son intelligence des couleurs, des textures et des tempi en témoigne. Incontestablement, une grande soirée d’opéra.
En septembre prochain, Roberto Alagna prendra la relève pour le rôle-titre.

Par Gilles Charlassier
 

La Traviata, Wiener Festwochen, juin 2012
Les Contes d’Hoffmann, Theater an der Wien, juillet 2012
Don Carlo, Wiener Staatsoper, juin 2012, reprise en septembre 2012

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