8 septembre 2014
Festival de Deauville, un demarrage ensablé

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Quarante ans et plus toutes ses dents…La programmation de ce premier week-end du Festival du cinéma américain de Deauville ressemblait en effet plus à celle d’un multiplexe de banlieue qu’à un rendez-vous offert aux professionnels et au public pour voir ce que le cinéma américain a dans le ventre. La faute à qui? Sans doute aux « partenaires » qui souhaitent pouvoir inviter leurs clients sur des grosses productions aussi insipides que cette Recette du bonheur de Lasse Halström donné samedi soir. Un navet au scénario et aux dialogues indigents avec des décors en carton-pâte et une musique omniprésente pour accompagner le moindre gros plan sur le visage des acteurs-pauvre Helen Mirren, on est loin de The Queen… La conférence de presse ayant été donné avant la projection, on imagine par ailleurs l’intérêt des questions en l’absence notable du réalisateur. Lequel fut, il y a fort longtemps, loin des contraintes des producteurs d’Hollywood, celui de My Life as a dog – un film éblouissant où un enfant en pleine tourmente familiale se remontait le moral en pensant à cette pauvre Leïka, chienne russe envoyée dans l’espace sans espoir de retour. Mais fi des étoiles et retour sur les planches avec des considérations bien plus terre à terre: « Sans les sponsors, il n’y aurait plus de Festival » se défend Public System qui organise l’événement, avec cette idée que pour faire venir les stars en jet, et du coup faire le buzz, cela a un coût.

De la Villa Cartier à Saïgon

Celles-ci ne sont pourtant pas venues, à l’exception de Jessica Chastaing- pas vraiment un poids lourd et jouant dans le très moyen The Disapearance of Eleanor Rigby, présenté, en son absence, le lendemain. Le public aura donc pu ranger son smartphone en mal de photos mal cadrées,  pour préférer contre 150 euros la semaine, entrer dans des salles devenues trop petites devant l’affluence et la programmation monolithique du week-end; la projection d’Un homme très recherché, dernier long métrage où apparait le regretté Philip Seymour Hoffman a ainsi attiré, malgré un scénario passablement ennuyeux, quantité de festivaliers qui ont dû s’asseoir sur les marches du pourtant imposant CID (Centre des congrés). Il faut dire qu’il n’y a désormais plus que deux salles pour tout le festival, celle du cinéma Morny (qui en compte pourtant quatre, jadis utilisées pour les films indépendants) étant ce premier week-end réservée aux films « hommage », avec une programmation des plus excitantes comme Good Morning Vietnam! De quoi faire le bonheur des restaurateurs de la ville qui faisaient le plein malgré la fin de la saison-le Festival ayant été essentiellement prévu pour jouer les prolongations. Et remplir les hôtels du groupe Barrière, lequel se montre d’ailleurs de moins en moins généreux en nuitées offertes. Du show mais surtout du business…Et quelques paillettes comme à la Villa Cartier, lieu des plus réussis pour boire une verre gratuit en fin de soirée. Là,  la mine effondrée des refoulés sur le trottoir par un service d’ordre des plus redoutables donnait résolument envie de les envoyer voir Last Days in Vietnam. Cet excellent documentaire de la benjamine de Bob Kennedy montre en effet comment en 1975, lors de l’évacuation de Saigon, certains Sud-vietnamiens purent fuir l’horreur des camps de rééducation en entrant dans l’enceinte de l’ambassade des Etats-Unis.

Et enfin, la plage…

Passer la grille était alors une question de vie ou de mort avec cette idée terrible de devoir choisir pour les GI gardant la grille entre « qui part et qui reste ». Une fois l’aéroport bombardé par l’armée Nord- vietnamienne, c’est alors par hélicoptères, dans un chaos invraisemblable, à raison de 50 personnes par rotation qu’on évacua près de 4000 hommes, femmes et enfants vers les navires de guerre américains croisant au large. L’ambassadeur des Etats-Unis fut un des derniers à partir, avec le drapeau américain plié entre ses mains, laissant derrière lui  420 Sud-vietnamiens qui ne virent jamais venir les derniers hélicoptères promis. Des images terribles qui entrent en résonance avec celles filmées fin août en Irak montrant ces familles yézidis évacuées elles-aussi en plein désert par des hélicoptères. Car c’est là toute la force d’un bon documentaire: atteindre une forme d’universalité. Laquelle manque malheureusement à Life itself, qui revient beaucoup trop longuement sur les mémoires du critique américain de cinéma Roger Ebert, prix Pulitzer, capable de faire ou défaire une carrière ou un film, et dont on suit la lente agonie suite à un cancer de la thyroïde. A la sortie, on avait qu’une seule envie: aller voir la mer. Avec cette promesse de pouvoir y faire, sans jamais être déçu, les dernières brasses de l’année…

Par Laetitia Monsacré

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