21 mars 2014
Exubérance italienne à Versailles

NANCY : Artaserse, Opera National de Lorraine
Des plumes et des voix haut-perchées, voici le cocktail extravagant que propose l’Opéra de Versailles pour cette fin de semaine avec une production d’Artaserse de Vinci venue de Nancy – le directeur de l’Opéra de Lorraine était d’ailleurs présent ce mercredi soir dans la salle. Le tout, avec un plateau vocal exclusivement masculin – et cinq contre-ténors – même dans pour les personnages féminins. C’est que Rome et toute l’Italie baroque avait trouvé avec les castrats une parade à l’interdit de saint Paul qui voulait faire taire les femmes à l’église, rôles que se plaisent à faire revivre aujourd’hui nos contre-ténors favoris – la présente production a d’ailleurs vu le jour à l’instigation de Max-Emanuel Cencic, toujours friand d’ouvrages rares.

Festin vocal

Passons sur un intrigue alambiquée sur fond de rivalités politiques et amoureuses comme savait les troussait l’époque pour un public qui n’avait d’ouïe que pour leurs « stars » du moment. Et avec une distribution réunissant la fine fleur de la génération montante, on peut en entendre une enthousiasmante réincarnation. Arbace flamboyant, l’argentin Franco Fagioli domine la soirée de son timbre idéalement androgyne et une virtuosité inépuisable – la fin du premier acte est un feu d’artifice qui s’achève sous une pluie d’or et d’applaudissements. Sa sœur Semira ne lui cède en rien dans le gosier plus que prometteur de Valer Sabadus – et qui a sensiblement mûri depuis les séances nancéennes en novembre 2012. Max Emanuel Cencic démontre toute l’étendue de sa musicalité en Mandane tandis que Yuriy Mynenko affirme un éclatant Megabise. Seul tessiture plus « mâle » de la soirée, Juan Sancho dispose de remarquables ressources expressives pour le méchant Artabano. Succédant dans le rôle-titre à Philippe Jarrousky – qui a préférer ne pas se reproduire aux côtés de Max Emanuel Cencic – Vince Yi se montre techniquement irréprochable mais reste un peu contenu dans une blanche juvénilité qui ne peut faire oublier le sopraniste français.
Ajoutons la mise en scène exubérante et pleine d’humour de Silviu Purcarete – reprise ici par Rares Zaharia – avec ses entrées et sorties courant derrière des décors mobiles pour d’irrésistibles effets d’illusion, et les robes emplumées de Cencic et Sabadus. Sans oublier la direction presque rock de Diego Fasolis, à la tête d’un Concerto Köln en grande forme. Pas de doute, ainsi présenté, la succession d’airs qu’est Artaserse et qui pourrait aisément devenir fastidieuse, ne peut que conquérir le public. Le succès des tournées et de l’enregistrement ne trompe pas.

Par Gilles Charlassier

Artaserse, Versailles, jusqu’au 23 mars 2014
http://www.youtube.com/watch?v=rXmF6h3Yd_A#t=32

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