12 mars 2022
Envie de rien

C’est terrible à écrire mais la guerre en Ukraine a un mérite, celui de relativiser. Pour toute l’Europe de baby boomers « spoiled child », devenant dingue si le WIFI ne marche pas ou en France, cette campagne présidentielle balayée par la vraie, la dure « actu »-la guerre, les Français seront-ils motivés à répondre à l’invitation/slogan des affiches pour un second mandat de Macron « On a très envie de vous! »? Cela, d’autant que la gauche est, d’après les sondages, en train de se rallier bon an mal an à Jean Luc Mélenchon qui fait une campagne sans faute que ce soit dans le fond ou dans la forme. Car si OXFAM a annoncé que les milliardaires n’avaient jamais été aussi riches en France depuis la crise du COVID, le Français rural qui paye son diesel plus de deux euros le litre et va bientôt voir son budget gaz et électricité exploser, sera peut-être tenté de voter, s’il échappe au chant des sirènes du Rassemblement national, pour ce qu’on appelait jadis la gauche, celle des classes populaires. Et comme ce n’est pas à Anne Hidalgo qu’ils donneront leur suffrage…

Macron/Mélenchon?

Entre « vote utile » et « tout sauf Macron » dès le premier premier tour, voilà qui pourrait bien rebattre les cartes. Les candidats sont dans tous les cas à l’image des colonnes de chars russes-dans une attente des plus étranges. Qui aurait pu imaginer, après deux ans de pandémie ( qui repart en Chine) où le virus a opportunément rappelé que nous habitions tous la même planète avec des frontières inexistantes en la matière, que Vladimir Poutine lancerait une offensive sur l’Ukraine digne du XXeme siècle? Et qui aurait pu deviner que les Ukrainiens auraient ce courage et cet amour pour leur pays, à la différence des Français en 1940 où l’on n’a pas particulièrement souvenir de valeureux hommes et femmes prêts à empêcher l’entrée d’Hitler dans Paris. Les recettes de la blitzkrieg nazie semble avoir échappé au président russe qui a eu le talent de se mettre à dos le monde entier-à l’exception notable des Chinois, des Indiens et d’autres pays bien étrangers à l’Atlantisme . Serait-ce la guerre de trop, pour le dictateur dont les militaires n’ont même pas des bottes étanches en pleine fonte des neiges? Napoléon, Hitler ont perdu contre la grande Russie mais ils n’avaient pas internet. Telegram, Tiktok, Facebook ou encore Twitter participent en temps réel à l’émotion de masse capable de faire pression sur les dirigeants du monde entier. Pour le meilleur et pour le pire, la preuve par l’image se vidant de son sens. Et confirmant que, dans une guerre, « les premières victimes sont les civils, la seconde, la vérité ».

Pendant ce temps là, à Kiev…

Pour un peu, on se croirait dans un jeu vidéo comme Fortnight, avec un président ukrainien en train de devenir un héros, distribuant des armes à chaque citoyen ukrainien volontaire; Le 2.0 devient réel et s’associe au médiéval à renforts de herses ou de catapultes à cocktail Molotov bricolés avec les moyens du bord, pour confirmer que les Ukrainiens seront des milliers de David contre Goliath. Sans compter l’aide que l’Europe est enfin en train de mettre en place en marchant sur des oeufs, façon ballerine en tutu et sur pointes. Une certitude: les habitants des 26 pays de l’EU préfèrent assister à une représentation du ballet de Kiev actuellement en tournée (très beau reportage de Télérama), que de risquer leur vie dans le siège de la capitale ukrainienne. Pendant ce temps là, le monde chante Give peace a chance, entre le vote de sanctions économiques ou d’élans humanitaires; merci à Envoyé Spécial de nous avoir fait découvrir jeudi 10 mars ce formidable boulanger de Besançon et tous ces bénévoles-avocat, ouvrier, infirmières qui se sont lancés en une semaine dans la réalisation d’un convoi de médicaments, d’aliments et de vêtements-au total 25 camionnettes et trois semi-remorques pour rallier à 2 500 km de là, la ville frontalière polonaise de Lviv. Ainsi, à défaut du buzz et des petites phrases que le calendrier électoral nous réservait, nous voilà à découvrir les souffrances d’un peuple uni, pris dans le tourbillon d’une guerre dont personne ne peut prédire aujourd’hui la suite.

Par Laetitia Monsacré

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