28 avril 2022
Envie de rien-Acte II

Entre les abstentionnistes- près d’un tiers des inscrits aux deux tours et les trois millions de français qui ont voté blanc ou nul ce dimanche 24 avril 2022, refusant de jouer comme en 2017 les « castors » pour faire barrage à l’extrême droite (désormais assimilée à la « droite » par les sympathisants de Marine Le Pen), les Français se retrouvent pour les cinq ans à venir avec un président élu par moins de 19 millions d’entre eux, soit 38,52% des inscrits. Ainsi, deux tiers de la population de l’hexagone et de l’Outre-mer ne valident pas le bilan d’Emmanuel Macron ni sa gestion façon start-up de la France qui a laissé bon nombre de Français sur le bord de la route après les rond-points occupés par les Gilets Jaunes, mouvement qui a fédéré sur toute sa durée quelques trois millions de concitoyens. Étonnement, leur remobilisation n’a pas eu lieu lors de l’entre-deux-tour, malgré la très forte hausse des carburants- à l’origine en novembre 2018 de leurs doléances- ainsi que celle du gaz, de l’électricité et le retour de l’inflation; sans doute, est-ce en glissant un bulletin de vote pour Marine Le Pen, candidate « du peuple », aussi séduisante dans la forme qu’une vendeuse de télé-achat (23,6 % au 1er tour, 41,6 % au second) que la majorité d’entre eux ont exprimé leur opposition sinon leur rejet?

La peste ou le choléra

L’envie de « rien »(lire article) fut palpable tout au long de cette campagne présidentielle, triste remake de la précédente, entre une candidate prônant le nationalisme et une immigration zéro face à un président sortant qui, à défaut de redevenir un candidat, endossa opportunément le costume seyant, bien qu’inapproprié en l’état, de chef de guerre. Reste que le bilan d’Emmanuel Macron, tout comme son programme, plébiscités par les cadres, adeptes de la « mondialisation heureuse » et les retraités logiquement conservateurs, ont profité aux extrêmes, de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon au Rassemblement National de Marine Le Pen, qualifiée à 421 308 voix près pour le second tour. Ainsi, près de sept millions de Français n’ont eu, ce dimanche, que le choix entre »la peste » et « le choléra ». D’où ce sentiment d’une élection volée, a fortiori pour les primo-votants aspirant au changement, du chef de l’Etat à la République elle-même.

C’est donc du côté des jeunes qu’une fronde, certes balbutiante, a débuté le 13 avril dernier à la Sorbonne avec son occupation par une centaine d’étudiants jusqu’à leur départ le lendemain soir, sous la menace d’être placé en garde à vue; à l’extérieur de l’université, d’autres manifestants étaient dispersés à l’aide de gaz lacrymogène par les forces de l’ordre rompues à l’exercice sous le quinquennat d’Emmanuel Macron. Après deux années « COVID », marquées par les restrictions, l’isolement et la précarité chez les jeunes, bouc émissaires idéaux dans la propagation du virus, il est logique que les étudiants aient profité de l’entre-deux-tour pour exprimer leur malaise via #NiMacronNiLePen ou des blocus comme au Lycée Montaigne, aux cris de « Montaigne, Anti-Fa », (anti-fasciste); l’occasion de rallier un mouvement initié une semaine plus tôt par les prestigieux lycées Henri IV et Louis le Grand, avant de gagner les lycées voisins Fénelon et Lariboisière. A renfort de poubelles pour barrer les entrées, de fumigènes et à la faveur d’une météo des plus clémente, le fantasme de mai 68 a plané quelques heures sur Saint Germain des Près, avant que les vacances de Pâques ne sonnent la fin d’une mobilisation sans réelle conviction ni d’ennemi identifié, à la différence notable d’une autre nation défendant sa démocratie à moins de quatre heures de route de notre pays.

Par Laetitia Monsacré

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