10 novembre 2012
En solitaire

Trois mois en mer, seul. Cela fait peur, cela fait rêver. S’extraire du confort, par choix, par défi sur soi-même. 25 000 miles nautiques à parcourir le plus vite possible, sans assistance, sans étape. Michel Desjoyaux est là en plateau sur France 3, double vainqueur du Vendée Globe-un record. En mer, Laurent Bignolas, dans une vedette, sous la pluie;  les grands voiles sont hissées, la mer est déjà ourlée, ça souffle sur les Sables d’Olonnes depuis que dès neuf heures du matin, les quais se sont emplis de près de 300 000 personnes pour saluer les marins remontant le chenal. En mer, les petits bateaux à moteur des plaisanciers, il y en a des milliers avec l’un d’eux qui a fait un trou déjà dans le bateau de Bertrand de Broc, obligé de renoncer à partir en même temps que les « copains », avec une fenêtre météo de « rattrapant » dès que son bateau sera réparé. Pour rentrer dans le chenal, le public reviendra même pour l’applaudir et Marc Guillemot lui a envoyé depuis la tête de la course un SMS pour l’encourager . Y-a-t’il trop de bateaux?  « Ils n’y en a jamais assez, la mer est à tout le monde » répond généreusement Michel Desjoyaux, coupant court à toute polémique, puis précise au vu de la houle, que les sacs plastiques doivent avoir du succès dans les vedettes…Correction faite, c’est un petit semi rigide auquel le skipper  avait lui même fait appel qui a fait cette petite voie d’eau (et non plus un pilier du port comme I TV l’annonça pendant des heures).

Voler le départ

Un premier décompte à huit minutes, puis à quatre minutes tout le monde descend-les équipiers, en combinaison « sèche »  sont prêts à sauter à l’eau si le bateau accompagnateur ne peut s’approcher. Les dix neufs hommes, dont Jean Pierre Dick, l’ex vétérinaire, favori et Samantha Davies, jeune anglaise qui vient de devenir maman, sont considérés comme en course sous grand voile, désormais seuls. Puis,  François Cluzet, qui jouera à l’écran un de ses navigateurs de l’extrême tire en l’air. Trois bateaux, skippés par Vincent Riou, Francois Gabart et  Armel le Cleac’h ont « volé » le départ; empannage, les voilà en sens inverse à se faufiler entre les autres voiliers pour repasser la ligne. « Jamais vu un départ aussi rapide », sur le bateau moteur de Laurent Bignolas, le rythme est à fond. Ils sont tous partis vite pour leurs équipes, leurs sponsors, leurs fans et impressionner leurs adversaires.  Comme Louis Burton, 27 ans, le benjamin de la course, avec son bateau affrontant les creux, jusqu’au Cap Finistère, le Portugal puis droit sur les Açores. Pour la dernière édition d’il y a quatre ans, le Golfe de Gascogne avait été terrible, avant l’océan Indien, où il y avait eu  la moitié des abandons. Seuls onze des trente bateaux au départ avaient fini.

Bateaux suiveurs

Déjà une demie heure, les bateaux moteurs entourent les voiliers. Il y a quatre ans, j’avais eu la chance d’y être. De voguer à leurs cotés sur un semi rigide, trempée jusqu’aux os après un grain « là où on voit le marin » comme seule la mer bretonne en réserve. Peu à peu, avec les moteurs rugissants pour suivre, ils avaient fait l’un après l’autre demi tour, les vedettes transportant les sponsors ou la presse, rentrant au chaud tandis que le soleil descendait. Entre chien et loup, on s’était alors arrêté pour se recueillir, dans un silence plein de respect. Oui, c’est le mot juste. Comme si la messe était dite. Et regarder plein d’émotion,  le dernier grand voilier devenir de plus en plus petit, là bas sur la ligne d’horizon; songer qu’ils passeraient bientôt leur première nuit en solitaire puis des dizaines d’autres, celle de  Noël, du Nouvel An, loin de tout et de tous. Les caméras embarquées fourniront tout ce temps là des images, pour jouer le jeu, celui de sponsors qui ont dépensé jusqu’à 3 millions et demi d’euros. Et faire rêver tous ceux qui comme vous et moi sont restés à terre, de ce côté-ci des vivants comme l’on dit.

 

Par Laetitia Monsacré

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