14 novembre 2014
Elena de Cavalli à Nantes, une belle redécouverte

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A force d’être labourées, les terres du baroque passeraient pour être bien connues, ou du moins ne plus laisser dans l’ombre de grands maîtres. Et pourtant… Alors que Monteverdi est depuis longtemps célébré sur les scènes, celui qui fut un de ses élèves, Cavalli, commence à peine à sortir du purgatoire – ainsi de La Didone présentée au Théâtre des Champs Elysées il y a un an. Le chef argentin Leonardo Garcia Alarcon y participe cependant avec un succès particulier, et l’Elena à laquelle il a redonné vie au festival d’Aix-en-Provence en juillet 2013 constitue un bel exemple de redécouverte. La sensible et poétique production de Jean-Yves Ruf a fait le tour de la France – Montpellier, Lille, Versailles – et arrive à Nantes et Angers en ce mois de novembre avant de partir ensuite à Rennes.

Une œuvre foisonnante

Avec une modeste arène théâtrale pour décor réduit à l’essentiel, mise en valeur par les délicates lumières  de Christian Dubet, volontiers intimistes, la mise en scène souligne la remarquable fluidité d’une intrigue riche en rebondissements et se jouant des registres dramatiques, du sérieux au comique, avec force travestissements et une remarquable virtuosité. On ne redira jamais assez les vertus de la simplicité, écrin idéal pour un ouvrage aussi foisonnant, dans lequel on entre avec une surprenante facilité. La richesse de la veine mélodique, nettement plus ronde, moins âpre que celle d’un Monteverdi, n’y est pas étrangère, et Monica Pustilnik, qui, pour les représentations nantaises et angevines, a pris la relève de Leonardo Garcia Alarcon – lequel avait effectué le travail d’édition de la partition, étape nécessaire quand on exhume une œuvre oubliée –, la fait vibrer avec une belle générosité. Si l’effectif dans la fosse se réduit à une dizaine d’instrumentistes, cela ne sonne jamais asséché, grâce en particulier au subtil continuo, où, aux côtés de la chef d’orchestre, également au clavecin, et parfois à la guitare, on reconnaît Thomas Dunford au luth ou Ariel Rychter au clavecin, clavecin-luth et orgue. Les dimensions idéales du Théâtre Graslin faisant le reste…

Un vent de jeunesse

Autre particularité de cette Elena, elle a été confiée entièrement à de jeunes chanteurs – elle entrait également dans le cadre de la programmation de l’Académie européenne de musique du festival d’Aix-en-Provence. Economie sur les moyens peut-être, mais nullement sur la qualité. Comme souvent dans ce répertoire, les solistes assument souvent plusieurs personnages. On y distingue entre autres Giulia Semenzato dans le rôle-titre, Vénus dans le prologue, blonde aussi séduisante que sa voix fraîche et vive. Les incontournables contre-ténors se retrouvent dans le Ménélas androgyne de Kangmin Justin Kim, qui apparaît d’abord sous les traits d’Elisa, ou du Pirithoüs de Carlo Vistoli – Rodrigo Ferreira,  tenant du rôle à Aix et de retour à Angers, sera peut-être encore plus exubérant. Emiliano Gonzalez Toro se révèle irrésistible en Iro, ténor bouffon à la vaste palette expressive. On retrouve d’ailleurs une large part de la mythologie grecque : Castor et Pollux, Junon, Créonte, Pallas, Thésée – ce dernier dévolu au solide Fernando Guimarães. Un réjouissant spectacle à ne pas manquer. Et pour ceux qui désirent mieux connaître Cavalli, Olivier Lexa vient de publier aux éditions Actes Sud la première biographie francophone du compositeur vénitien, résumant en trois actes une vie et une musique haute en couleurs.

par Gilles Charlassier

Elena, Angers Nantes Opéra,  à Angers les 14 et 16 novembre, et Rennes, du 23 au 27 novembre 2014

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