28 mai 2013
Eblouissante Juliette à Avignon

L’histoire des plus célèbres amants de Vérone tirée du drame de Shakespeare a largement inspiré les compositeurs depuis le Romantisme : si Berlioz a choisi la forme de la Symphonie dramatique, que l’on a vue chorégraphiée avec un succès mitigé par Sasha Waltz à la Bastille, Gounod s’est plié aux canons de l’opéra à la française, en cinq actes. Inégal, l’ouvrage n’a pas connu les mêmes faveurs que Faust, et l’on ne le boudera donc pas quand on le verra à l’affiche. Coproduite pour Massy, Metz, Reims et Tours, la mise en scène de Paul-Emile Fourny oppose le monde livresque et figé des Capulets à la nature dont rêvent Roméo et Juliette, dans un spectacle efficacement éclairé par Jacques Chatelet. Elément obligé pour la scène parisienne au dix-neuvième siècle désormais généralement coupé, le ballet – il fallait bien un morceau pour applaudir les danseuses, même dans un opéra, Degas ne nous contredirait pas – permet ici d’apprécier le travail d’Eric Belaud et du ballet d’Avignon.

Sans surtitres

Mais c’est évidemment pour le plateau vocal parfaitement francophone que ce Roméo et Juliette vaut le déplacement – quel bonheur de s’épargner le torticolis des surtitres ! On retrouve avec plaisir d’anciens pensionnaires de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris : Stanislas de Barbeyrac confère à Tybalt de juvéniles élans, tandis qu’Alexandre Duhamel nous régale avec un « Scherzo de la reine Mab » bien enlevé. En dépit d’un timbre timide, voire terne, Marie Lenormand fait une belle démonstration de style dans la chanson de Stephano. Jérôme Varnier a fière allure en Frère Laurent plus noble que le Capulet gaillard de Christophe Fel, tandis qu’Isabelle Vernet ne dépare pas en Gertrude. Et l’on n’oubliera pas les chœurs solidement préparés par Aurore Marchand, ni la direction d’Alain Guingal, qui soutient admirablement les chanteurs.

Sonya Yoncheva, un triomphe mérité

C’est cependant le couple des amoureux contrariés que l’on attendait. Avec sa fougue habituelle, Florian Laconi balaie la scène de son irrésistible énergie, faisant à demi pardonner l’absence des aigus de bravoure attendus. Il lui faudra cependant s’incliner devant la Juliette de Sonya Yoncheva. Comme toujours, la soprano d’origine bulgare brûle les planches. Ce tempérament théâtral se double par ailleurs d’une technique impeccable et d’un instinct musical qui ne l’est pas moins. Très lyrique, sa voix n’en demeure pas moins d’une agilité sans faille dans le célèbre air à vocalises, « Je veux vivre », souvent distribué à des sopranos plus légers. Plus dramatique, le quatrième acte semble avoir été écrit pour elle, tant elle incarne avec naturel les tourments de Juliette. Déjà repérée par William Christie pour son Jardin des voix, applaudie dans La Traviata à Monte-Carlo en janvier dernier, elle est en passe de devenir une des figures incontournables de la scène lyrique. C’est ce que l’on ne manquera pas de vérifier à la Bastille en septembre prochain où elle sera Lucia dans la production d’Andrei Serban conçue pour Natalie Dessay.

GC

Roméo et Juliette, Opéra d’Avignon, 26 mai 2013

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