28 mai 2012
Mulhouse/ Eblouissant Vivaldi

Il y avait en ce soir de première comme un frémissement dans la salle de l’Opéra de Strasbourg. C’est que si les opéras de Vivaldi reviennent peu à peu en grâce auprès du public – et des saisons lyriques – le compositeur italien reste encore davantage connu pour ses concertos – et pas seulement les Quatre saisons.
Pour ce Farnace, roi du Pont (l’actuelle Turquie), en conflit avec l’empire romain et sa belle-mère Bérénice – comme quoi l’Antiquité est parfois plus proche de nous qu’on ne le pense –, l’Opéra national du Rhin a confié la mise en scène à la chorégraphe Lucinda Childs, habituée de la maison alsacienne qui a collaboré à plusieurs reprises avec Bob Wilson, avec lequel elle partage le goût pour une esthétique inspirée par le minimalisme américain, en moins désincarné cependant.
Simple et élégant, le décor de troncs d’arbres dénudés qui bougent aux rythmes de l’ouverture ou encore les panneaux orientalisants à l’intérieur desquels Tamiri cache le fils que sa mère veut supprimer car du sang de son ennemi Farnace, est harmonieusement habité par les figures des danseurs doublant les chanteurs. Le procédé et la chorégraphie ne se montrent pas particulièrement innovants, mais meublent efficacement l’espace et évitent tout temps mort.

Virtuosité des interprètes

Le second motif d’impatience de la part des amateurs venait de la distribution vocale, et tout d’abord l’incarnation du roi Farnace par Max-Emanuel Cencic. Le contre-ténor autrichien, qui a déjà enregistré l’opéra, se montre éblouissant de virtuosité frôlant parfois l’hystérie et affirme une musicalité remarquable, en particulier dans le célèbre « Gelido in ogni vena » dont le thème rappelle le premier mouvement du concerto « l’Hiver ». Entre la Tamiri de Ruxandra Donose, touchante épouse, le Gilade virevoltant de Vivica Genaux et le solide Aquilio d’Emiliano Gonzalez Toro, ses partenaires emportent également l’enthousiasme des spectateurs qui le manifestent à la fin des plus beaux airs – et la partition, piochant allégrement dans les opus précédents comme c’était l’usage à l’époque baroque, en regorge.
Remplaçant Diego Fasolis, en raison de différents survenus avec l’interprète du rôle-titre, George Petrou dirige un Concerto Köln généreux en couleurs et en énergie, quoique parfois un peu frustre. Mais cela ne saurait ternir cette remarquable résurrection vivaldienne en terre alsacienne.

Par Gilles Charlassier

A l’Opéra National du Rhin, Représentations à Mulhouse les 7 et 10 juin 2012.

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