23 septembre 2012
Drancy, la honte

Lorsque l’on demande dans les rues de Drancy, tout le monde sait vous indiquer où se trouve le Mémorial, inauguré ce vendredi par François Hollande. L’occasion de retrouver un service de presse de l’Elysée en partie renouvellé et les journalistes qui suivent inlassablement tous ses déplacements. Les traits sont tirés, la rentrée est difficile. Rares sont ceux ainsi qui verront autre chose que la petite salle où la tribune est installée dans ce nouveau bâtiment qui fait face à cette cité de la Muette devant laquelle un wagon plombé rappelle l’antichambre des camps de la mort-« les portes de l’enfer » que fut le camp d’internement de Drancy. C’est pourtant un lieu chargé en émotion que ces barres d’immeubles aujourd’hui habitations « classiques » avec ce monument, où « passant recueille toi et n’oublie pas regardez et voyez comparable à ma douleur » texte issu des lamentations, gravé dans la pierre, et traduit en hébreu.

Défenestration de Max Jacob

11 heures, François Hollande après s’être recueilli devant le wagon, avoir déposé une gerbe et écouté une classe d’enfants chanter la Marseillaise devant un pool-une dizaine de journalistes sélectionnés qui donneront aux autres sons et images- entre dans la salle. Pour la première fois, un Président de la République se rend à Drancy, plaque tournante dans la déportation des juifs de France et symbole des crimes commis par les nazis et de la collaboration. Ici les destins chaviraient en quelques heures avant d’être en trois jours convoyés par ces wagons plombés jusqu’aux chambres de la mort. Certains l’avaient deviné comme en témoignent les lettres jetés des trains, exposées au 3ème étage; là-bas dans ces immeubles en U que l’on découvre à travers de larges baies vitrées, Max Jacob se jeta par la fenêtre, ayant droit à une notice dans la rubrique nécrologique de l’époque sans que personne n’entre dans les détails, Irène Némirowski, Tristan Bernard et tant d’autres, inconnus.

Alors pour ne pas oublier, on a construit ce superbe bâtiment conçu par l’architecte suisse Robert Diener,  tout en blanc et en verre, avec au premier étage, une bibliothèque aux meubles et ordinateurs noirs où l’on trouve Primo Levi, Hannah Arendt, Maus et au troisième, une remarquable exposition permanente, avec vidéos et témoignages pour accueillir sans doute beaucoup de classes car l’éducation, « voilà la clé pour éviter que cela ne recommence » ou qu’à nouveau comme en 1994, le wagon ne soit profané; que des inscriptions antisémites ne soient écrites sur les murs de la résidence qui résonnent encore des cris qu’on a pu y entendre. La cité a été classée monument historique en 2001- » sans que l’on sache à l’époque si c’était pour son architecture ou pour son passé » souligna François Hollande dans son discours, lu sans grande émotion. A aucun moment la voix ne fut un peu brisée, ne serait-ce un instant. La conclusion fut même un peu longue, glissant sur l’importance de l’éducation, l’occasion de réaffirmer sa politique et ses espoirs en la matière.

Les gardiens jamais inquiétés

Pourtant ici, dès le 20 Août 1941, 5000 juifs arrêtés à Paris, par des gendarmes français furent conduit ici, dans ce camp encore en chantier, réquisitionné par les nazis. Près de 100 000 au total, hommes, femmes et enfants y seront parqués-du seul fait de laur religion, dans des chambres ouvertes au froid, dormant sur de la paille au milieu de la vermine, malades, mal nourris, molestés, volés par des gardiens, tous fonctionnaires français; déportés la plupart à Auschwitz, seuls 1518 reviendront tandis que 256 seront fusillés comme otages en représailles aux actes des résistants. Les gardiens eux ne seront jamais inquiétés, seuls dix jugés, deux graciés. « Refuser l’obéissance aveugle aux ordres immoraux »pour le Directeur du Mémorial, « une raison d’Etat qui n’a plus de raison » pour le Président, chacun écouta debout et stoïque le discours de l’autre. Puis, le Président repartit vers Paris tout comme nous, laissant Drancy, ses fantômes et son wagon. Et ce nouveau Mémorial si difficile d’accès avec « au moins trois changement de bus » me précisa une dame...En voiture, il faut une bonne heure avec toutefois la garantie de pouvoir ensuite, rentrer chez soi. Ce qui ne fut le cas pour aucun juif, il  y a 70 ans.

 

Par Jim

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