27 mars 2012
Dickens, Dark Vador et de l’envie d’être riche

Tous les six mois la planète de la mode-300 milliards de dollars devient folle; ce sont les « fashion weeks », une semaine dans chaque pays dit « riche » pour assurer  six mois de business derrière. Autant dire que cela ne rigole pas, coté bouchons de champagne, mannequins bookés et carnets de commandes. « Vous n’en avez pas marre de parler? «  -Non j’écoute surtout!  m’a répondu en ce dernier jour de défilé le créateur  allemand Adrian Runhof  -de quoi le différencier de son illustre ainé, Karl, le kaiser  … A l’issue de son défilé où rédactrices ou connaissances l’assaillent à peine la dernière fille rentrée backstage, il a pourtant du mérite. Et la chance de se partager le travail avec Johnny Talbot, l’autre styliste de ce tandem germano-américain.

Le off, les coulisses, voilà qui est le passage obligé pour tous ceux qui dans la mode se respectent, la suite logique du front raw- premier rang. Pour ce défilé, point de star mais les ors du salon de l’ex-hôtel Intercontinental où le regretté Christian Lacroix ou Yves Saint Laurent avaient pour la Haute couture leurs habitudes. La salle est aujourd’hui trop petite pour les grandes marques qui privilègient en plus le spectacle comme Louis Vuitton, quasiment à la même heure,  avec après le manège de lasaison dernière, pour cette saison Automne-hiver 2012-2013, carrément une locomotive-sans doute inspirée par celle de Jean Paul Goude au Arts décoratifs où Marc Jacob a, lui aussi, fait son entrée ce mois-ci (voir article).

Maigreur et haut talons

Les coulisses donc. Autant dire que toute femme qui se trouve un peu élégante et la taille fine en prend pour son compte. Les peaux diaphanes, les traits divinement fins, ces jeunes filles de vingt ans comme Larissa, allemande ou Anastasia, lettone sont comme des oeuvres d’art, pourtant de « seconde zone », puisque bookée sur un « petit « défilé. Juchées sur des talons vertigineux-chaque saison des sites diffusent désormais les plus beaux gadins sur le catwalk- certaines semblent une fois nues, comme sorties tout juste d’un camps de concentration, les os affleurant sous la peau. De poitrine, que nenni.« C’est le jeu de faire défiler des filles maigres qui n’ont rien à voir avec la plupart des clientes. Je ne suis pas ici pour en changer les règles » me dit très justement Adrian Runhoff. Reste qu’ une fois glissée dans les étoffes, ici des tweeds aux tons de forêt dans une ambiance très germatique- sans précipitation ni stress visible, les cheveux laqués, les visages et les mains maquillés et les jambes crémées, elles sont tout simplement sublimes, tels des reines élizabethennes. Motifs de feuilles en feutre, tissus soyeux, le vert domine dans cette collection présentées sur une  douzaine de jeunes filles qui attendent sagement en ligne. Déclinaison de verts donc-vert gazon, vert sapin, vert mousse sur une déclinaison également pour la bande son de Besame mucho. Talbot et Runhoff surveillent sur l’écran de contrôle; un stress embryonnaire survient lorsqu’une erreur de  chaussures à zip sur une mannequin oblige à les changer en dernière minute. Trois habilleuses s’y mettent alors en même temps-avec succès-l’efficacité allemande…Le chanteur Prince en final, une coupe de champagne et deux petits fours plus tard, retour dans la même salle pour une ambiance totalement différente avec une créatrice japonaise, Masha Ma. Du noir, du blanc, des zip, du scotch  pour des filles qui semblent sorties tout droites de l’Empire contre attaque-amoureux de la poésie s’abstenir. Dehors, il pleut des cordes, de quoi ruiner brushing et vous transformer en épouvantail ruisselant à moins d’avoir le chauffeur, là juste devant. Petit détour par le Grand Palais pour  Allude et ses pulls en cashmeer, un défilé comme on  dit « commercial » où ce qui compte est de montrer avant tout le vêtement, avec toutefois une mention spéciale aux cheveux des filles-naturellement longs et à se damner. Ma voisine, rédactrice italienne vieillissante de mode depuis 20 ans me raconte alors comment des attachés de presse prétentieuses vous « barrent » -à elle aussi, un comble !-désormais  l’accès aux créateurs.

De la gadoue et du bling bling

Elie Saab, le roi de la femme-femme, créateur libanais  habille avec succès et talent depuis quelques années toutes les femmes riches et entretenues. La salle éphémère des Tuileries en est pleine avec le douloureux sentiment pour certaines d’avoir dû ruiner leurs stilettos dans le sable détrempé du jardin pour arriver sous cette gigantesque tente. Les chauffeurs n’ont en effet rien pu faire pour les déposer devant. On a en effectivement voté l’abolition des privilèges depuis quelques années, brulant le château au passage,  il y a quelque temps… c’est donc à pied comme tout le monde qu’elles sont venues assister avec leurs maris ou pas, au  défilé super encadré, non par des cravates rouges mais des hôtes et hôtesses tout de noir vêtus. Et là, devant les mannequins aux vêtements au tombé impeccable, aux fourrures, au sacs assortis, bref des filles magnifique avec une allure  à vous rendre lesbienne, il faut admettre que l’on se rêve de pouvoir porter ces vêtements et pourquoi pas pour toujours, se glisser dans la vie qui va avec…

 

 

 Par Laetitia Monsacré

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