28 novembre 2015
Des Cowboys au Taj Mahal, le meilleur et le pire

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Donc, au programme des salles obscures- mais moins que certains esprits en ce moment-djihdisme et prise d’otages. Attentats de Paris et de Bamako, la fiction qui rejoint la réalité comme l’on dit d’autant que le film Taj Mahal- à ne pas voir à partir de mercredi prochain- s’inspire de l’histoire vraie de Louise, une jeune fille prise en otage dans le palace Taj Mahal de Bombay lors de la nuit du 26 novembre 2008-soit il y a tout juste sept ans. « Les producteurs ont été courageux, ils n’ont pas décalé la date de sortie » souligne le réalisateur Nicolas Saada, prenant la parole devant une salle acquise pour cette avant-première au MK2 Bibliothèque. Courageux, ils le sont assurément, d’avoir permis d’exister un film aussi anxiogène et inutile, dans un marché saturé et pour un public qui a eu plus que son lot d’images d’attentat ces derniers jours.

Car, à la différence de Thomas Bidegain (scénariste de Jacques Audiard, pardon!) qui a le talent en un unique plan de faire comprendre comment on peut en arriver là, Nicolas Saada a lui choisit de ne rien montrer de cette Inde où la pauvreté règne.

Au mauvais endroit au mauvais moment

« La chambre est trop grande », voilà juste la précaution que ces expatriés logés dans la Dolphin Suite ont lorsqu’ils arrivent dans ce palace où une nuit coûte ce qui ferait vivre une année une famille indienne. Il ne faut pourtant que sortir de cet hôtel et traverser la rue pour voir dormir le soir venu des enfants couchés à même le trottoir, dormir sans même une couverture. Nicolas Saada oscille entre une démonstration sur l’importance du portable qui sauvera la jeune fille, en contact permanent avec un père qui ne prendra jamais son sang froid et la solidarité entre ces pauvres blancs lorsqu’ils ont la malchance d’être « au mauvais endroit au mauvais moment ». 

Alain, joué par le toujours aussi impeccable François Damiens, est aussi un père qui veut aider sa fille. En un regard lors de la scène d’ouverture du film, on voit tout l’amour qu’il a pour Kelly, seize ans dansant avec elle lors d’un meeting où des fans de country, de rodéo et autres santiags se trouvent dans une France dite profonde. Des notes en arabe dans son cahier de géographie plus tard et elle est devenue une autre, avec un nom musulman, perdue pour sa famille à laquelle elle n’envoie plus que de rares lettres pour annoncer qu’elle est devenue mère de Ahmed, le fils du garagiste avec lequel elle s’est enfuie. Sur fond de 11 septembre et des attentats de Madrid et Londres, Alain sillonnera sans relâche les faubourgs d’Anvers, avec sa rage et sa détermination, accompagné par son fils- le « kid », interprété par Finnegan Oldfield, qui livre ici une extraordinaire prestation dans ce rôle de fils taiseux et dévoué. Tout est dit en un regard, en un plan dans une réalisation qui touche à la grâce. Et parvient en une seule scène à faire comprendre le terreau de la haine: un travailleur musulman qui vit à Anvers avec sa famille dans un taudis « Je voulais que tu vois où on vit ». La quinzaine des réalisateurs de Cannes ne s’y est pas trompé, le jury du Prix d’Ornano non plus qui a decerné à Deauville son prix en septembre dernier au festival de Deauville. Le public non plus, la salle en ce mercredi de sortie était comble. Un grand film tristement prémonitoire qu’il est essentiel aujourd’hui de voir.

LM

 

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