11 avril 2014
Debussy poétique à Nantes

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Après la reprise de la production de Stéphane Braunschweig à l’Opéra Comique en février dernier, c’est l’Opéra de Nantes qui met à l’honneur l’unique opéra achevé par Debussy, Pelléas et Mélisande. A l’inverse du minimalisme décanté où le directeur du Théâtre de la Colline réduit les brumes de Maeterlinck, Emmanuelle Bastet préfère une lecture plus « réaliste », réécrivant la genèse bourgeoise du drame. Ainsi, Geneviève lit la lettre de Golaud devant la grande table du dîner face à Arkel tandis qu’Yniold est mis à l’écart, dans le coin réservé à son jeune âge. La fontaine aux aveugles n’est plus qu’un livre d’images devant lequel Mélisande et Pelléas s’extasient comme des enfants. Et l’on ne peut résister à la beauté lunaire des éclairages dans la fameuse scène de la tour, d’une grande pureté plastique et poétique. Les papiers qui jonchent le sol alors que Golaud pressent la ruine de son mariage et s’apprête à régler ses comptes relèvent peut-être un peu de ces effets attendus au théâtre, mais n’entame en rien une lecture cohérente et évocatrice.

Trois prises de rôle exemplaires

Annoncée dans notre première newsletter de l’année comme l’une des grandes prises de rôle de ce début d’année, la Mélisande de Stéphanie d’Oustrac montre au premier abord plus de calcul que de naïveté mais laisse s’épanouir au fur et à mesure une troublante innocence à travers sa voix de chair et au caractère reconnaissable. Il est des Mélisande plus transparentes et plus fragiles, mais celle-là recèle une richesse psychologique parfois surprenante qui épaissit autant le mystère du personnage qu’il l’habite.
Pelléas également novice, Armando Noguera exalte une jeunesse et une spontanéité remarquables qui concourent à une belle alchimie avec Stéphanie d’Oustrac. Face à lui se tient le Golaud de Jean-François Lapointe, à peine plus vieux, longtemps Pelléas et qui incarne pour la première fois le demi-frère aîné, accentuant ainsi une étrange gémellité avec son cadet. On sent la violence monter chez cet homme qui peine à contenir sa jalousie emportée, jusqu’à l’explosion du meurtre. Il va sans dire que la diction française des trois solistes se distingue par une précision et une justesse exemplaires, qui rendent plus que jamais superflus les surtitres dans une œuvre où la limpidité de la langue est essentielle.
On ne pourra en dire autant de la Geneviève de Cornelia Onciou ou du trop germanique Arkel campé par Wolfgang Schöne. Chloé Briot témoigne de la fraîcheur qui convient à Yniold. Quant à la direction de Daniel Kawka, elle donne une belle vitalité à la partition de Debussy, et semble se bonifier au fil des représentations. Il en reste deux à Angers ce week-end pour le vérifier.

Par Gilles Charlassier

Pelléas et Mélisande, Angers Nantes Opéra, jusqu’au 13 avril 2014

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