12 juin 2013
Déboires familiaux à l’opéra

Avignon referme sa saison d’originale manière avec un opéra américain de William Mayer, A Death in the family. Créé avec succès aux Etats-Unis en 1983, il n’avait jamais été porté sur une scène française, et c’est grâce au concours et festival  d’Armel qui se tient en Hongrie depuis cinq ans et avec lequel l’Opéra d’Avignon collabore régulièrement que cette injustice est réparée.
Inspiré par le roman éponyme de James Agee et la pièce de Tad Mosel, All The way home, le livret retrace l’histoire d’une modeste famille du Sud des Etats-Unis touchée par le drame d’un accident de voiture où périra le père, Jay, alcoolique convalescent. Dans les décors et les costumes de Gergely Zöldy Z, le Tennessee du début du XXème siècle prend des accents fifties où l’émergence de la middle class américaine côtoie une violence sociale et raciale que subit le fils Rufus, victime des ragots sur les problèmes de son père avec l’alcool.

L’Amérique de la middle class des années 50

Au fond, cette époque révolue et un brin exotique n’en demeure pas moins proche de nous, même si la sensibilité française, plus intellectuelle, peut se montrer rétive au sentimentalisme de bon aloi qui teinte le lyrisme de la musique. Le parti de Robert Aföldi de faire chanter Rufus en coulisse en l’incarnant par une marionnette est original même s’il peut quelque peu lasser; on n’en apprécie pas moins une belle économie de moyens qui sait, avec quelques pans de murs évoquant le foyer familial, créer une véritable atmosphère. Des facilités donc, mais une efficacité dramatique indéniable.

Emouvant et accessible

D’autant que l’ensemble est servi avec beaucoup d’engagement. Philippe Brocard confère à Jay Follet un mélange de fragilité et de rugosité qui illumine les émouvantes quoique prévisibles apparitions post-mortem du personnage. Sa femme, Mary, revêt avec Adrienn Miksch les habits d’une fervente catholique soumise aux jugements du Révérend Jackson (Gabriel Manro). L’innocence de Rufus se trouve parfaitement exprimée par la voix juvénile et claire de Jami Leonard. Quant aux musiciens de l’Orchestre symphonique de Szeged, ils accomplissent un valeureux travail sous la baguette vigilante de Sara Jobin. Même si l’on aurait pu souhaiter un auditoire plus nourri en ce dimanche après-midi de juin sur des terres dévolues au répertoire italien, l’on ne peut qu’encourager l’initiative de l’Opéra d’Avignon. Voilà qui révèle, à rebours de la musicographie officielle française, une part de la diversité de la création lyrique contemporaine, plus accessible qu’on ne veut bien le faire croire. Rendez-vous est d’ailleurs pris pour la saison prochaine.
GC
A Death in the family, Opéra d’Avignon, 9 juin 2013

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