9 février 2012

« Ce soir la salle avait du talent ». On prête l’expression à Sacha Guitry mais elle pourrait être de n’importe quel artiste qui, sur scène, vient, jour après jour, y exercer son métier. Celui de donner à voir, à vivre, chanter, danser pour que le spectacle vivant comme on l’appelle naisse devant les yeux de ceux qui ont bravé fatigue, embouteillage et- froid en ce moment- pour ce supplément de vie qu’offre l’art. Oui, mais voilà, à cela point de garantie. Être là sans y être; nous avons tous connu cela, sauvé par un fauteuil moelleux, les yeux mi-clos en attendant que ça passe,  les pensées se bousculant dans la tête, répétant l’échange avec un collègue ou se souvenant que l’on a pas encore posté le dernier tiers provisionnel. De là nait l’ennui, les concerts de toux et les fauteuils qui grincent. Alors on culpabilise en oubliant que le spectacle réussi est celui qui vous fait sortir de vous, quel que soit l’état dans lequel vous êtes arrivé. Soyons clair, ils sont rares. Dans la multitude des sorties proposées dans une capitale comme Paris, le miracle ne se trouve pas au coin de chaque rue. Prenez l’Opéra de Paris. Avec des tarifs qui,  s’ils ont peu augmenté sur le papier-plus discret, les places les moins chères ont été « surclassées »- les productions proposées, avec une moyenne de 70 euros la place pour un opéra, vous offrent assurément un retour sur investissement tout à fait honorable. Décors, distribution, direction musicale sont toujours d’une qualité impeccable et lorsque vous avez en plus le privilège de déambuler dans les couloirs de l’Opéra Garnier, voilà qui fait de vous un spectateur « honoré ». Reste la magie, celle des grandes productions où pendant une soirée entière, vous avez le sentiment d’avoir été amené ailleurs et touché par ce que d’aucun appelle la grâce. De celle qui vous fait oublier le prix de la place, que vous êtes mal garé et que vraiment votre vie en ce moment, n’a rien de réjouissant. Certains artistes sont capables de cela, à condition que l’auteur, le metteur en scène, le chorégraphe leur donnent les clés qui vont toucher le » coeur » du spectateur. Car, il n’est ici point question de cérébral, de réflexion- de jeu intelligent, de voix bien placée, d’entre-chat réussi, non, c’est de ventre à ventre que le dialogue s’établit, que la salle respire à l’unisson, qu’elle porte celui en scène et est portée par lui. Et qu’en sortant dans la rue, nous sommes encore en lévitation, les mains brulantes d’avoir applaudi trop fort pour dire merci à celui qui vous a donné quelques heures confiance pour la suite. Amen.

 

Par Laetitia Monsacré

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