16 mars 2013
David comme Bowie


Dix ans ! Il aura fallu attendre une décennie avant de connaître la dernière mutation du génial transformiste britannique. Le 8 janvier dernier, David Bowie soufflait ses soixante-six bougies et offrait au monde, avec Where Are We Now, un avant-goût trompeur de son come-back. Un clip terne, où sur des marionnettes amorphes se découpe le visage fatigué de la star, pour une ballade métaphysique aérienne pleine d’interrogations existentielles. La voix, mélancolique, la nostalgie qu’évoquent les paroles et la lenteur du morceau laissaient entendre que le rockeur s’était assagi. C’était sans compter l’ironie d’un artiste imprévisible qui se savait attendu un peu partout sur Terre. Depuis le début des années 70, il ne cesse de surprendre. Icône aux multiples visages, chacune de ses apparitions marque l’histoire du rock par ses perpétuelles métamorphoses visuelles et musicales à l’image de l’expo qui va ouvrir le 23 mars au -rien que cela- Victoria and Albert Musuem de Londres (pré-réservations battant tous les records). Aujourd’hui, sa maîtrise de l’image et de la communication continuent de fasciner. Bowie est de retour et fait taire les mauvaises langues qui depuis 2003 – date à laquelle, pour des raisons de santé, il annule de nombreux concerts lors d’une tournée internationale – spéculaient sur la fin de la carrière du « Maigre Duc Blanc ». Car avec The Next day, son vingt-quatrième album, résolument rock et bouillonnant, le chanteur affiche sa forme sur quatorze titres intenses.

Passé + Présent = Futur

Avec la complicité du graphiste Jonathan Barnbrook, il crée pour son nouvel album une pochette ambiguë qui mêle présent et passé par un contraste subtil. Elle exprime sa volonté de faire table rase – le carré blanc et le titre qui évoque un changement d’époque – tout en assumant son héritage, en y faisant une référence explicite – réutilisation/recyclage de la pochette du célèbre album de 1977, Heroes. Il anticipe ainsi tout propos critique qui jugera la qualité de ses nouvelles productions à l’aune de ses chefs-d’œuvre, en assumant le fait qu’ils constituent son mythe et habitent nécessairement son actualité. Avec ce visuel, il confirme sa science de l’esthétique, car il correspond parfaitement à la musique qu’il illustre. Ce nouvel album n’a rien de révolutionnaire et pourtant, il marque une rupture avec ses dernières productions. Il n’égale pas les multiples sommets de sa discographie, mais les rappelle souvent, avec esprit. Le morceau d’ouverture, éponyme, est à ce titre comme une formulation moderne du funk synthétique de Station to Station ou du disco robotique de Let’s Dance. The Star (Are Out Tonight) et son clip étrange, où la géniale actrice Tilda Swinton ( We need to talk about Kevin) et Bowie forment un vieux couple, hantés par les figures de leur jeunesse, renvoient aux dédoublement de la période Ziggy Stardust. Enfin, (You Will) Set The World on Fire et If You Can See Me sont des réminiscences des tentatives métal et électroniques des années 90/2000. Par ailleurs, l’ambiance cabaret de Dirty Boys et les chœurs espiègles de How Does The Grass Grow manifestent le plaisir avec lequel le sexagénaire a retrouvé le studio. Sa voix, facilement identifiable – ce timbre qui semble toujours coincé dans la gorge – à la tessiture réduite est encore puissante. D’une efficacité incontestable, les saillies acérées des guitares donnent  une fraîcheur bienvenue à l’ensemble un peu surproduit par Tony Visconti, témoin ce son de batterie qui écrase les rythmiques et ne met pas en valeur le caractère souvent enlevé des morceaux. Avec finesse et humilité, Bowie signe donc un retour globalement réussi, qui aura bien fait parler de lui au vu de tous les articles écrits, celui-ci y compris…

 

Par Romain Breton

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