27 mars 2012
Crime et châtiment

Rue 89

Christophe Barbier,  en incontournable et, à l’occasion,  assez fin analyste politique l’avait dit à Paris Match  il y a  une dizaine de jours: « s’il n’y a pas un événement exterieur à campagne, François Hollande gagnera. Sinon, face aux périls, les   français ne voudront pas changer de président.  » Quelques jours après, la France était plongée dans la peur avec Nicolas Sarkozy usant de l’identification au maximum, quitte à terroriser lui même les enfants comme lors de son discours dans une école parisienne. « L’horreur absolue, jamais le pays n’a connu pareille chose » disaient les jeunes journalistes sur BFM TV apparemment pas mis au courant qu’en 1995, la France a connu des attentats dans le RER , le TGV, un marché et déjà, une école juive où une voiture piégée avait explosé. Ou que l’on va fêter le triste anniversaire des dix ans de la tuerie de Nanterre, huit victimes abattues par Richard Durn. Cela parait incroyable, mais en quelques jours, on nous a fait croire qu’un seul homme pouvait terroriser un pays entier, le nôtre. Et de nous faire croire aussi que la campagne était suspendue, alors qu’elle n’avait fait que « muter ». Chacun des candidats a soigneusement géré son image, forcément avec un train de retard sur le Président sortant, devenu du jour au lendemain »père de la nation ».

Précipitation et récupération

Tous se sont bousculés, accompagnés des caméras et des micros de journalistes, avides d’informations au point d’entendre des envoyés spéciaux dirent « je vous confirme des informations contradictoires » ou annoncer -sur BFM TV là encore-que Mohamed Merah avait été arrêté. 10 000 euros et une journée plus tard,  France 2 emporte les images de l’« ennemi public numéro 1 » au volant d’une voiture. Voilà l’homme que Sarkozy ne voulait même pas qualifier d’« être humain » en train de sourire. Les experts défilent sur les plateaux; un psychologue explique que rejeté par l’école, puis par l’armée, c’est là même que ce jeune homme de 23 ans, balloté de foyers en foyers, a choisi de se venger-une explication enfin au dessus de la mêlée. Marine Le Pen, elle,  ce weeek -end est carrément descendue à la » cave » en lançant, devant une salle pleine de sympathisants: « Combien y a t’il de Mohamed Merah parmi les 300 réfugiés qui arrivent en Grèce chaque jour? «  . Il y a en tous cas  désormais 214 millions de réponses sur Google à son nom-à titre de comparaison Nicolas Sarkozy n’en a « que » 40 millions et François hollande, 20. De quoi en faire un martyr et se souvenir de lui au même titre que Khaled Kelkal en 1995, auteur de la plupart des attentats et traqué dans la France des jours durant. A l’époque, il n’y avait pas de plan « écarlate » ni tous ces superlatifs et chaines d’infos directes. Il n’y avait pas non plus la ronde des candidats. Il y avait juste la peur,  et des innocents qui comme aujourd’hui, payaient de leur vie, tout comme leur bourreaux.  Mohamed Merah est mort aujourd’hui, sans doute inconsciemment le souhaitait-il. Les politiques eux nous parlent déjà du prochain…

 

Par April Wheeler

 

Articles similaires