2 avril 2012
Crime de lacheté

Avec une bonne dizaine de sorties de films chaque semaine, forcément on passe à coté de certains…Sorti la semaine dernière, 38 Témoins mérite pourtant que l’on y revienne. Deux fois, trois fois, à l’envi. Premières images, la caméra prend son temps, la mer est là, puissante, un monstrueux porte-container, plus encore. La nature contre l’homme. L’un d’eux, pilote de port, autant dire un homme de confiance, à qui les capitaines confient leurs monstres d’acier comme il est d’usage, a flanché. Une nuit, il a entendu des hurlements dans la rue, face à ses fenêtres et n’a rien fait. Tout comme 38 autres, ses voisins, lesquels vont tous prétendre n’avoir rien entendu. « Un témoin qui se tait, c’est un salaud. 38, c’est monsieur tout le monde! ». Pas facile de juger alors tous ces hommes et femmes coupables de crime de non assistance à personne en danger selon le code pénal, de crime de lâcheté pour eux mêmes. Reste que là, sous leurs fenêtres, une femme est morte, poignardée, achevée. Et que ce pilote, joué par Yvan Attal, ne peut pas l’oublier. De  Est-ce ainsi que les femmes meurent, livre de Didier Decoin, le réalisateur Lucas Belvaux a fait un très beau film, froid et dur comme le béton dont est fait Le Havre. La ville reconstruite à la hâte et sans aucune humanité par Auguste Perret est ici bien loin de l’univers solidaire de Kurismaki- (voir article) ou déjanté de La Fée. On ne sait pas comment le réalisateur a présenté son projet pour que ce quartier devienne celui de « la honte ». Comment vend-t’on à une ville le fait d’ incarner la lâcheté? Ce qui est certain, c’est que grâce à Yvan Attal, si humain, avec cet oeil un peu fermé qui n’a pas voulu voir et l’autre, trop ouvert pour continuer comme si de rien n’était, nous sommes amenés à nous demander ce que nous aurions fait, nous. Le film pose en effet beaucoup de questions comme celles autour du journalisme-faut-il tout dire?-avec cette femme jouée par Nicole Garcia, personnage fort, aux traits un peu trop figés, par laquelle l’affaire va éclater. Le film excelle dans les silences, lorsque les échanges de regards en disent plus long que des pages de dialogues même très bien écrites. C’est peut être le seul défaut du film, lorsqu’il devient trop littéraire, comme une pièce de théâtre. Il faut faire confiance aux spectacteurs Monsieur Belvaux! Avoir confiance en leur intelligence tout comme celle de vos acteurs, tous excellents…

 

LM

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