23 mai 2012
Contemporain et comique

«Mesdames et messieurs, nous vous prions de bien vouloir éteindre vos portables. » Un peu surpris, on se rend compte que l’habituel rappel de début de spectacle, que l’on sent plus proche que de coutume, provient d’une femme en tenue gothique sur le proscénium. Une sonnerie retentit encore pour la narguer, et on comprend que l’on est déjà entré dans un spectacle qui joue avec les codes du théâtre, simples prémices d’une soirée bien loufoque réglée par Richard Brunel avec cette programmation s’ouvrant à nouveau à la musique contemporaine.
Pourtant le sujet de l’opéra de Marc Stroppa, lequel a collaboré à l’IRCAM s’annonçait plutôt sombre. Jugez plutôt : mille ans avant notre ère, le roi Ours, assoiffé de sang, fait régner la terreur en Crète. C’était sans compter sur l’inventivité débridée du jeune compositeur italien, faisant appel à un large dispositif électroacoustique. Après l’hilarante fuite des musiciens à la fin de la première partie, Susanne Mälkki, intransigeante à la tête de l’Ensemble Intercontemporain, reste seule en fosse, revêtue d’une bure métallique, le reste des sons étant le produit de l’informatique musicale. En dépit de son apparente complexité, la partition se sonne jamais intellectuelle, et on se laisse vite emporter par la créativité d’une œuvre toute en suraigus et graves abyssaux qui va à l’encontre de l’emphase à laquelle l’opéra romantique nous a habitués. Les jeunes venus nombreux ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, applaudissant chaleureusement la remarquable performance des chanteurs – et tout particulièrement Rodrigo Ferreira, Re Orso d’une virtuosité à couper le souffle – tandis que la bourgeoisie du parterre boude d’ennui. Ceux qui ont cru que la musique contemporaine n’intéresse pas la jeune génération en sont pour leurs frais.
GL
Opera Comique jusqu’au 24 mai 2012

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