7 novembre 2014

Ceux qui prennent le train ne l’aimeront plus forcément autant: une « fuite » de la SNCF pour enrayer la chute de la rentabilité du TGV relayée par les médias au fil de la semaine n’a pas manqué d’alerter les clients de la compagnie ferroviaire et les associations d’usagers. Les services marketing de l’entreprise envisagent trois pistes : augmenter le prix des billets, essentiellement en première, durcir les conditions d’échange et de remboursement des tarifs loisirs et supprimer la voiture bar sur les relations de moins de trois heures – hors Paris-Lyon. Passons rapidement sur la dernière, qui ne mécontentera que les aficionados de Monop Daily à prix gares et aéroports, c’est-à-dire moitié plus cher qu’en magasin, quand le choix de l’estomac n’est pas tout simplement indisponible par défaut de chargement au départ – rappelons que la restauration à bord est conçue par une filiale de la SNCF, et gérée par une autre, vu comme cela c’est forcément encore plus simple.
Sur les deux autres « évolutions », le client va devoir passer encore davantage à la caisse, même si au regard des explications fournies, on ne sait pas trop à quelle sauce on sera mangés, si ce n’est que le pire s’avère souvent le plus sûr. Aujourd’hui, la SNCF commercialise trois types de tarifs sur l’ensemble de ses trains : les tarifs « pro », échangeables et remboursables gratuitement jusqu’à une demi-heure après le départ – sur les trains sans réservation obligatoire, on parle de tarif « normal », avec quelques subtilités mineures selon les cas – , les prem’s et les promotions, non échangeables et non remboursables, les billets « loisir », échangeables et remboursables gratuitement jusque la veille du départ, contre 12 euros, le jour du départ, et avant le départ du train. Les billets avec cartes commerciales – jeune, sénior et week-end, relèvent de la catégorie « loisir », avec des frais minorés à 3 euros le jour du départ. Le tout en première comme en seconde classe, ce qui fait que parfois, en raison du yield management, jeu des niveaux de réduction parfois obscur pour le commun des mortels, la première est moins chère que la seconde, surtout l’été où elle est bradée à coups de promos.
Augmenter le plein tarif en première n’est pas une nouveauté, l’obligation de tarif maximal à ne pas dépasser concerne essentiellement la seconde. Inclure la restauration dans le prix en première et revoir la grille des prix en est peut-être davantage une, histoire sans doute de calquer ce qui se fait sur les TGV vers l’Allemagne et la Suisse, quand bien même la Renfe vient de la supprimer sur certains de ses AVE pour baisser les prix et améliorer le remplissage… Sauf que ce qu’oublient de préciser la plupart des articles, qui font passer la première classe pour un produit destiné aux hommes d’affaires, c’est que même dans ces deux cas, la tarification en seconde et première suit le même schéma. Et sauf à refondre l’intérieur des voitures pour mettre plus de places en seconde classe, on voit mal comment cela aiderait au remplissage des trains de faire de la première une sorte de business class, devenue presqu’obsolète sur les vols européens… A moins évidemment que l’objectif soit plutôt de vider les rames, en empêchant l’annulation des billets « loisir » à partir de 7 jours avant le départ et faire payer les échanges vingt ou trente euros, ou en alignant sur l’IDTGV – remboursement impossible et échange 12 euros jusqu’à cinq heures avant le départ : on notera d’ailleurs, et ce n’est sans doute pas un hasard,  que les frais le jour du départ sont passés de 10 à 12 euros en avril dernier, dans la plus grande discrétion…
Pourtant, à regarder de plus près le diagnostic alarmiste de la Cour des comptes, l’Etat actionnaire oublie de souligner que si la rentabilité baisse, elle demeure, même en deçà des prévisions, de 2 à 12 pour cent, du Nord à l’Est. Et la SNCF, pleureuse de service, jour habilement sur le coût de la fraude, tout en se gardant bien de préciser que les amendes, même recouvertes partiellement, couvrent par leur majoration, parfois conséquente, au moins un part de la perte du chiffre d’affaires, et que la lutte contre la fraude est censée incluse dans le prix du billet, comme élément du coût de production. Mais bien entendu, la tendance est plutôt au morcellement des services, pour mieux perdre le client, à l’instar des objets trouvés, joignables par un numéro naturellement surtaxé, sans oublier que la récupération coûte cinq euros par objet, comme pour les consignes, seulement valables vingt-quatre heures… Alors la perte de rentabilité, ça ne serait pas plutôt une lubie de technocrates qui ont « omis » d’inclure leurs salaires dans le coût de production ?

Par Gilles Charlassier

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