4 novembre 2011
Cher métro

Habiter dans une ville merveilleuse comme Paris coûte cher. Et le « Pariser  » est une espèce mobile. Quand on ne le croise pas à Prague, Barcelone ou aux Bahamas, c’est le métro qu’il hante en courant. S’il est un des postes de dépenses en croissance soutenue et continue comparable à celui du mètre carré, c’est bien celui des transports. La RATP et le Syndicat des transports d’Ile-de-France-autorité sous la tutelle de laquelle la régie fonctionne-vous rappelleront les investissements toujours plus importants de rénovation et d’extension du réseau, pour améliorer le quotidien des voyages, en gommant au passage les perturbations engendrées par ces mêmes travaux. Demain sera meilleur, mais il faut mettre la main à la poche aujourd’hui. Et c’est ainsi que le ticket de métro augmente d’environ dix centimes chaque année – c’est à dire  juste une hausse de 7% !
Afin de venir en aide aux plus démunis, la région Ile-de-France propose la carte Imagine’R pour les moins de 26 ans – ah ces jeunes, quels veinards, ils ne le savent jamais assez, tiens ! – ou mieux, la gratuité, partielle ou totale, pour les allocataires de minima sociaux. Il y a aussi les titulaires de cartes vermeil ou améthyste, mais ceux-là prennent le bus, avant de finir dans une civière, même si la liste d’attente peut être longue parfois. Mais, attention, outre qu’il faut effectivement être domicilié en Ile-de-France, il y a la procédure – les informations ne pleuvent pas davantage des cieux que les dollars –, le barrage d’un numéro vert gratuit depuis les fixes mais non les mobiles, disponibles les jours ouvrés habituels, et la mise à jour de votre dossier à la CAF, ce qui peut prendre quelques semaines.
On pourrait mettre cette mansuétude sur le compte de la couleur politique du conseil de région. J’avancerais pour ma part une autre hypothèse. Comme on nous le rappelle régulièrement, la fraude coûte cher : les dizaines de millions d’euros de manque à gagner sont autant de rames non rénovées…ou de petits fours en moins pour la cérémonie des vœux annuels de monsieur Mougin (le président de l’entreprise). Certes, il y a les barrières et autres chicanes posées pour décourager les voyages sans billet – la dernière innovation sont ces guillotines en verre installées dans les gare de banlieue, ainsi que vérifié à Versailles Rive-droite récemment – mais les contrôles restent statistiquement aléatoires, il faut en convenir. Alors, quand les hommes en vert officient, ils ne sont d’aucune pitié. Les pauvres n’ont plus d’excuses désormais à moins de voler un Ipad et charger l’application qui permet de savoir où les contrôleurs se trouvent. Les pauvres ont décidément toujours tort.
Mais les autres ? – Les autres, ma p’tite dame, ils sont solvables. D’ailleurs, un article glané il y a quelques jours dans un gratuit sur le banc de la ligne 6 m’apprenait que la tarification pourrait augmenter davantage, pour aller chercher plus de ressources auprès de ce public dit « solvable ». Ben voyons, mais c’est bien sûr – et l’on s’étonne après de l’arasement progressif de la classe moyenne en France. Tenant compte du fait que la collectivisation des transports urbains reste un des moyens les plus sûrs pour lutter contre le réchauffement climatique, pourquoi ne pas instaurer une gratuité pour tous ? Ce qui serait économiquement généreux se doublerait d’une responsabilité écologique, épargnant des tonnes de métal et de verre pour les péages. Quant au reclassement des guichetiers, il est déjà en cours, la plupart des stations se limitant désormais à des points d’accueil avec des humains qui vous renvoient vers des distributeurs automatiques-vive le contact humain. N’oublions pas d’ailleurs que les recettes de la RATP ne dépendent qu’en partie de la billetterie et que les subventions versées sont le fruit des impôts collectés auprès des franciliens. Cela aurait l’avantage de faire peser l’effort sur tous, et plus seulement sur les usagers, créant de facto une sorte de taxe implicite sur l’automobile. Depuis qu’il s’est fait retirer son permis, Jean-Paul Huchon va peut-être y songer.

par Gilles Moîné-Charrassier

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