30 novembre 2012

Il est neuf heures ce lundi matin à Roissy et je me dirige vers le septième satellite d’embarquement du terminal 1 – les portes 70 à 78. Presque personne comme d’habitude. Je dépose mes bagages, extrait mon portable et enlève ma veste que je dispose dans les bacs prévus à cet effet, présente ma carte d’accès à bord et passe sous le portique de sécurité. Ma satisfaction de n’avoir pas à être palpé fut de courte durée lorsque je vis que l’un de mes sacs avait été sélectionné pour une fouille que je savais être, d’expérience, approfondie au-delà du nécessaire, si ce n’est du réglementaire. Je n’allais évidemment pas tarder à perdre mon sang-froid quand l’agent s’est mis à enlever une à une les affaires hors de mon bagage. Devant ce désordre, je lui rétorquais vainement qu’elle n’avait pas besoin de tout retirer – « c’est la procédure »me répondit-elle – et lui demandais de déposer les choses dans un bac, ce à quoi elle me répondit avec une arrogance moqueuse que c’était moins propre, avec les chaussures que l’on y dépose. Effleurée par des journaux que je retirais très agacé d’une des poches de ma besace, elle se plaignit d’avoir été frappée, et me menaça d’appeler la police. Je n’avais pas envie de perdre mon temps avec les forces d' »insécurité », sans manquer de remarquer une fois de plus que les agents de sécurité profitent souvent de cette situation temporaire pour en abuser sur les autres. Aucune envie de vivre la scène d’Orange mécanique où les anciens comparses d’Alex, revêtus de l’uniforme policier, se vengent en le passant à tabac.

Mon voyage et mon humeur irrémédiablement compromis, je n’en manquais pas moins de songer à une exposition que j’avais vue au Leopold Museum à Vienne il y a cinq ans. Erwin Wurm y exposait des photos de têtes plongées dans un soutien-gorge parmi d’autres postures indiscrètes, révélant combien aujourd’hui on acceptait, de plus ou moins bon gré, d’intrusion dans notre intimité au nom de la sécurité – c’était si je me souviens bien le titre de l’accrochage. Dans nos démocraties libres, la dictature de la transparence a sérieusement entamé nos vies privées. Un tel concept a-t-il d’ailleurs encore du sens face au principe de précaution, quand bien même des experts en sécurité aérienne démontrent l’inefficacité des contrôles statistiques non ciblées, si ce n’est en humiliation – cela avait fait il y a quelque temps un sujet d’Envoyé Spécial. Les faits étaient sans appel, les agents compensant l’imprécision de leur formation par un zèle lui sans faille. Un zèle aussi aveugle n’est pas sans rappeler quelque sombre période de l’Histoire pas si lointaine. Hannah Arendt ne dirait pas autre chose quant à une certaine monstruosité dans l’obéissance inconditionnelle. Aux wagons citoyens ? Formez les convois…

 

Par Gilles Charlassier

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