17 mars 2023
Ce que disent les poubelles de Paris

 

« Y’a pas un rat! », mais beaucoup-trop?-d’hommes. Difficile d’imaginer dans ce quartier cossu de la rive gauche qu’il y ait comme l’annoncent les médias, deux rats par Parisien…Lors des balades matin et soir de Jim, le chien, aucun petit rongeur croisé. En revanche, celles-ci permettent de faire une étude sociologique qui ne manque pas d’interet sur la façon dont les habitants vivent et se comportent. Avec des arrêts prolongés devant chaque tas de déchets, odeurs ô combien séduisantes pour tout canidé, on s’aperçoit que les riches sont avares- pardon pour le pléonasme-ne serait-ce en matière de contenant. Investir dans des sacs poubelles qui se ferment avec un lien, voilà bien trop demander à la plupart qui leur préfèrent des sacs en papier- réflexe de bobos-lesquels se déversent sur les trottoirs; pas mieux pour les sacs griffés, entre l’orange reconnaissable d’ Hermès ou le jaune de Louis Vuitton. Ce vendredi 17 mars 2023, nous sommes à 9 000 tonnes de poubelles à Paris non ramassées, sachant qu’une benne peut en contenir une tonne, on imagine le travail qui attend les pauvres éboueurs, désormais réquisitionnés après une semaine de grève. Pauvre, l’adjectif est des plus justes, entre le salaire de misère qu’ils touchent-le smic, les horaires décalés- embrayage aux aurores- et les insultes qu’ils reçoivent des automobilistes à longueur de leur tournée. Mais pire encore, ils font partis de ces travailleurs indispensables à notre vie quotidienne, sans en recevoir jamais, aucune reconnaissance. Ni le moindre respect, à voir l’absence totale de sollicitude que l’on devine à voir comment des cartons géants ne sont même pas pliés pour prendre moins de place- ils pullulent dans ce quartier de boutiques tandis que les ordures ménagères sont jetées à même les containers, merci pour les concierges.

7 705 tonnes pour une vie d’éboueur

Tout comme le gilet jaune était le symbole de quelqu’un « en danger » car « en panne », brûler poubelles et containers est ainsi devenue l’unique expression de la colère de ceux qui se sentent les laissés pour compte de notre société, comme en témoignent les images de la Place de la Concorde, hier soir, mercredi 16 mars 2023 où le gouvernement a passé en force à l’Assemblée Nationale sa loi sur les retraites. L’odeur que peuvent découvrir depuis une semaine les Parisiens en se protégeant le nez dans les rues des commerces d’alimentation, c’est toute l’année que doivent la supporter les « ramasseurs de poubelles » comme dirait Zézette dans le Père Noël est une ordure. 365 jours, moins les congés (disons un mois) qui ne leur permettent pas vraiment d’aller s’aérer au bout du monde vu leur salaire, à gérer une tonne à deux quotidiennement; sur une « carrière » (si l’on peut l’appeler comme cela) de quarante quatre ans qui passerait à quarante six ans, cela fait 167, 5 tonnes par an, soit 7 705 tonnes pour une vie d’éboueur. Voilà l’horreur côté humain.

Ecocide au coin de la rue

Car, il en existe une autre, côté environnement. Le tri sélectif est aujourd’hui balbutiant dans l’agglomération parisienne. Seul le verre, et accessoirement le plastique- mais combien sommes nous à avoir la place pour deux poubelles dans un arrondissement qui frôle les 15 000 € le m2-ont des containers dédiés. Alors que le prix de la cellulose, issue des forêts donc des matières premières naturelles, flambe, les millions de cartons quotidiens finissent dans la même benne que les déchets organiques quand on y ajoute pas une vieille imprimante ou télévision encore en état de marche ou dont on ne trouve plus les cartouches d’encre. En pleine inflation des prix de l’alimentaire, on jette en France chaque année dix millions de tonnes d’aliments; si vous préférez compter en milliards, cela correspond à 10 milliards de kilos. Pour rappel, 828 millions de personnes dans le monde ont souffert de la faim en 2021, 150 millions de plus qu’avant le COVID. A cette période, on applaudissait le personnel de santé tous les soirs à 20 heures, il serait bienvenu de le faire aujourd’hui le matin à 8 heures pour les éboueurs.

Par Laetitia Monsacré

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