10 décembre 2015
Castelluci à l’Odéon, Deux heures de solitude…

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Après sa très controversée mise en scène de Moses und Aron à l’Opéra Bastille en ouverture de saison, l’incontournable metteur en scène italien Roméo Castellucci est à nouveau à l’honneur en France avec sa version créée en 1995 de l’Orestie donnée au Théâtre de l’Odéon. L’occasion d’affirmer une nouvelle fois son idée de théâtre « total », pour un rendu assez hermétique, dont certaines scènes sont déconseillées au moins de 16 ans; le public est lui symboliquement coupé de la scène par un tulle noir, tandis qu’une débauche sonore, visuelle et olfactive ne lui laisse aucun répit. Le texte d’Eschyle est mis en pièces détachées avec des références au monde d’Alice au Pays des Merveilles, le coryphée devenant un lapin gainé de latex flirtant avec  les codes sado-maso.

Du SM et des boules Quies

Le plateau du premier acte est tour à tour chambre de torture, lit de souffrance, prison. Y pendent des instruments barbares, y passent deux chevaux entr’aperçus. Voiçi Clytemnestre, une montagne de chair à voix de Stentor. Cassandre hurle et saigne à l’infini dans une cabine de verre, Le lapin est matraqué de longues minutes par une brute. En somme un théâtre de la cruauté, selon le concept d’Artaud. Le spectateur ne peut échapper à la violence visuelle ou sonore: fracas d’une bande son gorgée d’infra-basses, choc de marteaux pilons , hurlements de possédés et cris de bêtes, le tout à 120 décibels-des bouchons d’oreilles sont heureusement offerts à l’entrée, comme pour passer un IRM…

Animaux sacrifiés pour zéro émotion

Au second acte, un peu de répit, l’Oreste décharné ritualise au ralenti, blanc sur fond blanc, la sauvagerie des hommes et des dieux. Une ménagerie d’ânes et singes vivants et une carcasse de chèvre morte et puante invoquent les animaux sacrifiés ou habités par les dieux travestis et fous. Catharsis finale, de petits lapins en plâtre blanc, frères du Coryphée, se font exploser, plus de choeurs, plus de cœurs.

Cette Orestie, reconduite 20 ans après, ne provoque, ni émotion , ni empathie, ni dégoût, ni peur, mais un certain ennui. Le spectateur est relégué, laissé à sa solitude devant  le chant long et doux d’un Agamemnon, roi perdu trisomique !

Il manque sans doute à Castellucci de laisser un peu d’espoir dans cette fresque où la laideur côtoie la beauté. Et de réussir comme Fellini  dans son Satyricon à s’approcher aux plus près des mythes fondateurs en donnant à voir une autrement plus chaude galerie de monstres et de héros, afin que chacun de nous puisse se reconnaître au cœur de la tragédie.

Par Jean-François Remy

L’Orestie d’Eschyle au Théâtre de l’Odéon jusqu’au 20 décembre 2015

 

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