16 octobre 2014
Caroline Sonrier, dix ans de Lille et d’opéra

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Aux commandes de l’institution lilloise depuis sa réouverture en 2003, Caroline Sonrier fut pendant longtemps la seule femme à la tête d’un opéra en France – jusqu’à l’arrivée de Valérie Chevalier à Montpellier cette année. Sous une apparence réservée,cette musicienne qui est passée par le conservatoire et l’université – en musicologie –, a su, au cours de la décennie écoulée, renouveler la manière de faire de l’opéra. Et ce n’est pas un hasard si, après la direction dans les années quatre-vingt du Centre de la voix à Royaumont, elle réserve aujourd’hui une place de choix au baroque et à la création contemporaine dans sa programmation. C’est ce dont elle a accepté de nous parler alors que sa onzième saison s’ouvre, symptomatiquement, avec Matsukaze de Toshio Hosokawa, créé à La Monnaie de Bruxelles en mai 2011, et Castor et Pollux de Rameau.

Que vous a-t-on demandé lorsqu’on vous avez été choisie pour rouvrir l’Opéra de Lille ?

Quand je suis arrivée, j’avais participé, pendant plus de dix ans, avec Ile de France Opéra et Ballet et Iles de Danses, à la diffusion des arts lyriques et chorégraphiques hors des sentiers battus en région parisienne. Consciente de l’attractivité de l’opéra, Martine Aubry a voulu la réouverture de cet opéra, fermé en 1998 pour cause de vétusté, et intégrer une offre lyrique au cœur de sa ville, alors que Bruxelles est à une demi-heure et Paris une heure en TGV. Si le budget est évidemment plus limité que dans d’autres maisons plus richement dotées, l’idée n’était pas de faire une pâle copie de ce qu’il y avait ailleurs, mais au contraire de proposer quelque chose de différent dans une structure allégée, qui se réduit ici à une dizaine de permanents : pas de chœur, ni d’orchestre à domicile.

Comment cela influence-t-il votre programmation ?

Cela donne une indéniable liberté artistique, qui permet d’accueillir des productions que d’autres maisons ne peuvent inviter. J’ai banni d’emblée l’organisation des saisons autour d’une thématique. C’était trop de contraintes. Je préfère une dynamique de diversité : autant de projets, autant de portes ouvertes sur des approches artistiques et des publics différents. D’ailleurs, le public lillois ne s’y est pas trompé et s’est approprié les deux ensembles en résidence, Ictus (pour la musique contemporaine ndlr) et Le Concert d’Astrée (en baroque ndlr), et sa fidélité se nourrit de la confiance qu’il leur accorde : les spectateurs viennent plus grâce aux artistes que pour un produit.

Ménagez-vous cependant des repères dans votre saison ?

Outre les productions de La Monnaie, Berlin ou l’English National Opera qui viennent ici, comme Matsukaze ou Castor et Pollux, on produit chaque année trois spectacles, dont une avec Le Concert d’Astrée – Idoménée de Mozart pour 14-15 – et une longue série de huit ou dix représentations d’un grand titre du répertoire pour renouveler et élargir notre audience – au printemps prochain on reprend Madame Butterfly. C’est d’ailleurs plus difficile qu’on ne l’imagine de sortir des Rigoletto, Traviata ou Tosca par exemple, car un titre comme Lucia di Lammermoor au début de la dernière saison, n’a pas été si facile que cela à remplir.

Et pour ce qui est des metteurs en scène ou des chorégraphes?

Plutôt que faire venir des metteurs en scène établis, je privilégie ceux qui n’ont pas encore abordé l’opéra. Confirmés au théâtre ou ailleurs, Lille leur permet de faire leurs premiers pas dans le monde lyrique. Et, chose que j’avais développée au festival Presqu’îles, notre institution fait la part belle à la danse contemporaine, qui dispose paradoxalement de peu de scènes vraiment capables de l’accueillir. C’est encore l’avantage de ne pas avoir de compagnie à domicile.
Pas de doute, les horizons à l’Opéra de Lille restent ouverts, et Caroline Sonrier veille à ce que les portes de son opéra le restent.

Par Gilles Charlassier

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